Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal (1787-1847) (Source : Musée national des beaux-arts du Québec) |
En bien dormant, sur un méchant grabat,
Quoique je sois gros comme un moyen rat,
Ne songeant plus à l'affreuse misère
Dont on sait bien que je ne manque guère,
Je me crois presque un riche potentat ;
Quoiqu'il en soit mon sommeil est ingrat,
Car en effet je ne profite guère
En bien dormant.
Tout les matins on me fait le sabbat* ;
Ce qui n'est pas sûrement pour me plaire,
Lève-toi, gueux, polisson, scélérat,
Me dit ma tante trop sévère.
Pour mon bonheur j'endure l'impropère**
En bien dormant.
Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal (1804)
* « Faire un sabbat » signifie faire un chahut, du tapage.
** Du latin improperium, reproche.
Tiré de : Jeanne d'Arc Lortie (dir.), Les textes poétiques du Canada français, volume 1, Montréal, Fides, 1987, p. 535. Ce poème est issu d'une lettre datée du 10 décembre 1804 adressée par Monseigneur Joseph-Octave Plessis (1763-1825), évêque de Québec de 1806 à 1825, à l'abbé Jean-Baptiste Perras, curé de Saint-Charles-de-Bellechasse et dont voici un extrait :
« Je songe sérieusement à envoyer mon Rémi au séminaire en métaphysique, vers la fin du mois prochain. Cette éducation m'assujettit trop, depuis dix-neuf mois qu'elle est commencée. D'ailleurs ce n'est pas, comme on dit, pour le vanter, mais il est capable. Je l'ai exercé depuis quelques temps à la poésie latine et française. Hier, il venait de voir les règles du rondeau ; je lui prescrivis d'en faire un qui eût pour refrain : "En bien dormant". Peut-être aimerez-vous à voir comment il s'en est tiré. Je vous l'envoie à son insu... »
« Je songe sérieusement à envoyer mon Rémi au séminaire en métaphysique, vers la fin du mois prochain. Cette éducation m'assujettit trop, depuis dix-neuf mois qu'elle est commencée. D'ailleurs ce n'est pas, comme on dit, pour le vanter, mais il est capable. Je l'ai exercé depuis quelques temps à la poésie latine et française. Hier, il venait de voir les règles du rondeau ; je lui prescrivis d'en faire un qui eût pour refrain : "En bien dormant". Peut-être aimerez-vous à voir comment il s'en est tiré. Je vous l'envoie à son insu... »
Né à Carleton-sur-Mer le premier octobre 1787, de Jean-Baptiste Vallières, forgeron, et de Marguerite Corneillier, Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal avait été l'élève et le protégé de Mgr Plessis, suite à la mort de son père et du mariage de sa mère qui partit vivre à York, au nord de Toronto. L'enfant étant peu fortuné, Mgr Plessis se fit son précepteur personnel puis le fit entrer à ses frais au Petit séminaire de Québec.
Selon Francis-J. Audet, auteur d'un article biographique sur Vallières de Saint-Réal, celui-ci devint « l'un des plus beaux esprits que le Canada ait vus naître, et l'un de ses plus brillants orateurs ». Dans cette biographie à laquelle on peut accéder ci-dessous, Audet cite longuement Philippe Aubert de Gaspé, ami de Vallières de Saint-Réal, qui raconte notamment les circonstances dans lesquelles Mgr Plessis se décida à prendre l'enfant sous son aile. Jusqu'à la mort de Mgr Plessis, Vallières de Saint-Réal voua une amitié fidèle à celui qui sut reconnaître ses talents précoces et en favoriser le développement.
Il est bon aussi de savoir qu'à titre de magistrat, Joseph-Rémi de Saint-Vallières sut tenir tête à une mesure arbitraire de John Colborne, dit « le vieux brûlot » et l'odieux persécuteur des Patriotes de 1837-1838, qui en représailles le démit de ses fonctions.
(Sources : Le Foyer canadien, tome 1, Québec, 1863, p. 314 ; Abbé J.-A.-Ir. Douville, Histoire du Séminaire de Nicolet, tome 1, Montréal, Librairie Beauchemin, 1903, p. 114 ; Jeanne d'Arc Lortie, Les textes poétiques du Canada français, volume 1, Montréal, Fides, 1987, p. 535 ; Francis-J. Audet, Les députés de Saint-Maurice (1808-1838) et de Champlain (1830-1838), Trois-Rivières, Les éditions du Bien Public, 1934, p. 13-44 ; Pierre-Georges Roy, Les juges de la Province de Québec, Québec, 1933, p. 559).
Pour en savoir plus sur Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal,
cliquer sur cette image qui renvoie à l'article biographique
rédigé par Francis-J. Audet :
En bien dormant, sur un méchant grabas, ci-haut, est tiré du volume premier des Textes poétiques du Canada français. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Mgr Joseph-Octave Plessis (1763-1825), qui sut reconnaître et favoriser le développement des talents intellectuels de Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal, alors que celui-ci était pauvre et entrait dans l'adolescence. (Source : Musée national des beaux-arts de Québec) |
Député de Saint-Maurice de 1814 à 1816, Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal a habité à Trois-Rivières durant plusieurs années. Il vécut de 1839 à 1842 dans cette maison, nommée Georges-de-Gannes, près du Monastère des Ursulines. |
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