vendredi 27 juillet 2018

Les Quatre Saisons

Pierre tombale d'Eudore Évanturel (1852-1919)
au cimetière Notre-Dame-de-Belmont, à Québec.

(Photo : Madeleine Gagnon, 2018)



                  LE PRINTEMPS

   Phtisique, et toussant dans la neige,
   L'Hiver s'est éteint lentement.
   Le ciel pleurait pour le cortège,
   Le jour de son enterrement.

   C'est au Printemps à lui survivre.
   Il revient en grand appareil,
   Non pas en casquette de givre,
   Mais en cravate de soleil. 

   Sortons. La boue est disparue ;
   Et pour mieux protéger son teint,
   Avril, qui passe par la rue, 
   Tient son parasol à la main. 

   Et Mai, qui le suit par derrière,
   S'avance, le front découvert,
   Une rose à la boutonnière
   De son habit de velours vert. 

                  L'ÉTÉ

   La main brunie à l'espagnole,
   Semant des bouquets à foison,
   L'Été danse la Farandole,
   Le pied perdu dans le gazon. 

   Le trèfle croît sur la muraille,
   Le grillon chante dans le thym ; 
   Et Juillet, en chapeau de paille, 
   Arrose les fleurs du jardin. 

   Il fait plus chaud que dans la forge
   Où, pour les forçats de l'enfer,
   Satan sur son enclume forge
   La chaîne et le boulet de fer. 

   Le blé promet. La fraise est mûre. 
   Quand vient le soir, tant l'air est bon,
   La Lune, en quête d'aventure, 
   Se promène sur son balcon. 

                  L'AUTOMNE

   Pendant que l'Éternité joue,
   Le Temps, sur son vieux tapis vert,
   Des Saisons fait tourner la roue : 
   Automne, Été, Printemps, Hiver. 

   Les nuits sont froides : ― l'on s'enrhume ;
   Soir et matin le ciel est noir. 
   Les nuits sont froides ; ― le toit fume ;
   La boue encadre le trottoir. 

   Le vent de la montagne pince ;
   Mais si les nids sont dépouillés, 
   La girouette pleure et grince
   Tristement sur ses gonds rouillés. 

   Les verrous sont blancs à nos portes.
   Déjà le froid. Adieu l'Été. 
   Novembre est plein de feuilles mortes.
   Encore un Soleil de compté !

                  L'HIVER

   Aux grincements que fait sa botte,
   Foulant les glaçons sous ses pas, 
   Le menton bleu, Janvier grelotte
   Sous son paletos de frimas.

   On voit baisser le thermomètre ; 
   Et dans le givre du châssis,
   Février signe à la fenêtre,
   Son nom avec ses doigts rougis. 

   Les places publiques sont blanches ;
   La grêle poudre les beffrois.
   Triste saison des avalanches,
   Des craquements et des grands froids ! 

   Entrons au logis ! ― le vent souffle ; 
   Mais sous le blanc toit des maisons,
   L'Hiver, le pied dans sa pantoufle,
   Se réchauffe près des tisons.

                       Eudore Évanturel * (1876)




Tiré de : Eudore Évanturel, Premières poésies, première édition, Québec, Augustin Côté et Cie, 1878, p. 6-14.

* Eudore Évanturel est né à Québec le 22 septembre 1852, de François Évanturel, avocat, et de Louise-Jeanne-Eugénie Huot. Il a étudié au Petit Séminaire de Québec. En 1878, il obtint un emploi au Conseil législatif du Québec. La même année, lors de la chute du gouvernement Joly, il dut quitter son poste et devint pour deux ans, à Boston, le secrétaire de l'historien Francis ParkmanRédacteur-propriétaire du Journal du commerce de Lowell (Massachusetts), il fut chargé par le gouvernement du Québec de faire des recherches historiques à Boston et à Washington.
   Eudore Evanturel a publié un seul recueil, Premières poésies, dont les deux premières éditions parurent en 1878, puis une troisième édition en 1888
   De retour au Québec en 1887, il fut nommé archiviste au secrétariat provincial, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort, le 16 mai 1919. Il avait épousé à Québec, le 26 novembre 1884, Esther Casgrain, fille de Philippe Baby Casgrain
(Source principale : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, éditions Fides, 1980, p. 608).
N. B. : Il n'existe pas de photo ou de portrait connu d'Eudore Évanturel. Une photo circule sur le web, mais il ne s'agit pas de lui. 



Premières poésies est le seul recueil
publié par Eudore Évanturel.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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de l'Oeuvre poétique du remarquable
poète que fut Eudore Évanturel.
Pour informations, cliquer ICI.

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Pierre tombale d'Eudore Évanturel au cimetière
Notre-Dame-de-Belmont, à Québec.

(Photo : Madeleine Gagnon, 2018 ;
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