L-J.-Cyprien Fiset (1825-1898) (Source : O. Condemine, Octave Crémazie, Montréal, éd. Fides, 1980, p. 46) |
Quand la nuit se fait belle au bord du Saint-Laurent,
Voyez-vous quelquefois au fond du firmament
Courir ces météores,
Fantômes lumineux, esprits nés des éclairs,
Qui dansent dans la nue étalant dans les airs
Leurs manteaux de phosphore ?
Parfois, en se jouant, ils offrent à nos yeux
Des palais, des clochers, des dômes radieux,
Des forêts chancelantes,
Des flots d'hommes armés pressant leurs bataillons,
Des flottes s'engouffrant dans les vastes sillons
Des ondes écumantes.
Mais tandis qu'admirant leurs jeux toujours nouveaux,
Votre âme s'intéresse aux magiques travaux
De leurs essaims sans nombre,
À vos regards charmés se dérobant soudain,
Comme un léger brouillard sous les feux du matin,
Ils s'effacent dans l'ombre.
***
Tels que l'ange déchu, spectres bannis des cieux,
Quel présage ont porté vos flancs mystérieux ?
***
De l'humaine vie
Qui toujours varie
Son tableau mouvant,
Ils tracent l'image
Où le sot, le sage,
Inculte ou savant,
Poursuivent sur terre
Chacun sa chimère
Qu'emporte le vent.
J'y vois de l'enfance
Riche d'espérance
Les joyeux ébats ;
L'ardente jeunesse
Y trouve l'ivresse
De ses premiers pas,
Et l'homme plus grave,
Roi, berger, esclave,
Ses rudes combats.
J'y vois de l'année
Hier terminée
L'aurore et la fin,
Ses luttes sanglantes
Bientôt renaissantes...
Peut-être demain !
Dont la brise apporte
Jusqu'à la porte
Un écho lointain.
Ris, grandeurs et gloire,
Coupes où vont boire
Les sens éperdus,
Trésors de ce monde,
Où l'homme en vain fonde
Ses voeux assidus,
Ainsi tout s'envole
Avec l'auréole
De nos jours perdus.
***
Ils sont passés... qu'importe ! Ô pèlerin débile !
S'ils t'ont laissé cueillir quelques fruits, quelques fleurs,
Combien de fois, hélas ! dans le sentier stérile
N'ont-ils pas vu couler tes pleurs !
Pourquoi regrettons-nous chaque instant qui s'achève ?
Un jour plus pur déjà se lève ;
Chantons, saluons l'avenir !
Ainsi quand nous voyons l'iris de nos prairies
Couvrir le sol glacé de ses tiges flétries,
C'est là qu'il va bientôt refleurir. [...]
Mais vous, peuples heureux des bords du Saint-Laurent,
Quand la nuit vous verrez au fond du firmament
Courir les météores,
N'oubliez pas, amis, que nos jours sont comptés,
Et s'enfuiront soudain comme sont emportés
Ces mobiles phosphores.
Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1860)
Tiré de : La littérature canadienne de 1850 à 1860, tome 2, Québec, G. et G. E. Desbarats Imprimeurs-Éditeurs, 1864, p. 260-263.
Pour en savoir plus sur Louis-Joseph-Cyprien Fiset, cliquez ICI*.
*N.B. : L'article du Ministère de la Culture et des Communications du Québec, auquel renvoie ce lien, contient une information erronée. L'article affirme que Fiset aurait quitté la fonction de protonotaire pour se consacrer à la poésie, alors qu'en réalité c'est la pratique du droit qu'il a abandonnée. À cet effet, dans son Histoire de la littérature canadienne, premier essai de synthèse, paru en 1874, sur la littérature de chez nous, Edmond Lareau a écrit :
« LOUIS-JOSEPH-CYPRIEN FISET occupe une place marquante parmi les poètes canadiens. Il naquit à Québec, en 1827 (sic). Dès sa jeunesse, alors qu'il n'était qu'étudiant, il montra un goût prononcé pour la littérature. Ses premières compositions dénotent un talent précoce et une riche imagination. [...]
Après avoir été admis au Barreau, il abandonna la pratique de cette profession pour se consacrer entièrement à la littérature. En 1861, il fut nommé Protonotaire pour le District de Québec, poste qu'il occupe encore.
Son talent pour la poésie s'accrut avec les années. Ses compositions se font remarquer par une imagination féconde, une versification délicate, gracieuse et élégante. Presque toutes ses poésies ont été publiées dans les revues littéraires de Québec et de Montréal, entre autres, La Ruche Littéraire, Les Soirées Canadiennes et Le Foyer Canadien. Il rédigea pendant quelques années le Journal de l'Instruction Publique. Il est l'un de ceux qui ont le plus contribué par leur zèle comme par leurs écrits à la fondation de l'Institut Canadien de Québec, dont il fut président en 1856 ».
Le deuxième tome de La littérature canadienne de 1850 à 1860, dans lequel fut publié le poème Méditation, de L.-J.-C. Fiset. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
De 1868 à sa mort en 1898, L.-J.-C. Fiset a habité cette maison située au 24 rue Sainte-Anne, dans le Vieux-Québec. (Source : Répertoire du Patrimoine culturel du Québec ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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