Zéphirin Mayrand (1843-1918) (Source : son recueil Gerbes d'automne, 1906) |
Rigaud, site enchanteur, est fier de sa montagne,
D'un sol luxuriant et de ses verts bosquets ;
Pèlerins, visitez cette belle campagne :
N'oubliez pas de voir la pièce de guérets.
En cheminant non loin des pieux sanctuaires,
Le visiteur découvre avec étonnement
Un rectangle onduleux formé de grosses pierres,
Dont les rangs dénudés s'étalent tristement.
On dirait que jadis la Nature ingénue
Dans la glèbe pierreuse a creusé des sillons
Alignés sous le soc de sa large charrue,
Pour faire ombre au tableau des verdoyants vallons.
La pièce de guérets : tel est le nom vulgaire
Que l'on donne à ce lieu, sombre amas de cailloux ;
Séculaires guérets, vous cachez un mystère :
Ô vengeance divine ! ici je vois tes coups !
Dans les temps primitifs de la Nouvelle-France,
Un colon habitait cet endroit montagneux ;
Dans le sein de la terre il puisait l'abondance ;
Pour lui le Dieu des champs se montrait généreux.
Comment l'heureux colon va-t-il donc reconnaître
La bonté de Celui qui donne le froment ?
Bien loin de le servir, il veut agir en traître,
En foulant à ses pieds son doux commandement.
Il cultivait le sol les dimanches et fêtes ;
La grand'messe pour lui, c'était du temps perdu ;
Travaillons ! disait-il, les semailles sont prêtes ;
Il labourait alors : l'œil de Dieu l'avait vu.
La charrue allait mal, l'attelage de même :
Le laboureur fâché, la rage dans le coeur,
Comme un démon vomit un terrible blasphème :
Tout à coup ! plus de sol... des cailloux... cri d'horreur !
Un gouffre se creusa, dessous le misérable :
Tout ce qui l'environne en est comme interdit ;
Homme, charrue et bœufs, dans l'abîme insondable
Tout est précipité : c'est le champ du maudit.
Appliquez votre oreille à cette pierre aride :
Vous pourrez percevoir... comme un bruit caverneux ;
C'est l'écho du maudit englouti dans le vide ;
Leçon pour les chrétiens : n'insultez pas les Cieux.
Zéphirin Mayrand* (1903)
Tiré de : Zéphirin Mayrand, Gerbes d'automne, Montréal, 1906, p. 91-93.
D'un sol luxuriant et de ses verts bosquets ;
Pèlerins, visitez cette belle campagne :
N'oubliez pas de voir la pièce de guérets.
En cheminant non loin des pieux sanctuaires,
Le visiteur découvre avec étonnement
Un rectangle onduleux formé de grosses pierres,
Dont les rangs dénudés s'étalent tristement.
On dirait que jadis la Nature ingénue
Dans la glèbe pierreuse a creusé des sillons
Alignés sous le soc de sa large charrue,
Pour faire ombre au tableau des verdoyants vallons.
La pièce de guérets : tel est le nom vulgaire
Que l'on donne à ce lieu, sombre amas de cailloux ;
Séculaires guérets, vous cachez un mystère :
Ô vengeance divine ! ici je vois tes coups !
Dans les temps primitifs de la Nouvelle-France,
Un colon habitait cet endroit montagneux ;
Dans le sein de la terre il puisait l'abondance ;
Pour lui le Dieu des champs se montrait généreux.
Comment l'heureux colon va-t-il donc reconnaître
La bonté de Celui qui donne le froment ?
Bien loin de le servir, il veut agir en traître,
En foulant à ses pieds son doux commandement.
Il cultivait le sol les dimanches et fêtes ;
La grand'messe pour lui, c'était du temps perdu ;
Travaillons ! disait-il, les semailles sont prêtes ;
Il labourait alors : l'œil de Dieu l'avait vu.
La charrue allait mal, l'attelage de même :
Le laboureur fâché, la rage dans le coeur,
Comme un démon vomit un terrible blasphème :
Tout à coup ! plus de sol... des cailloux... cri d'horreur !
Un gouffre se creusa, dessous le misérable :
Tout ce qui l'environne en est comme interdit ;
Homme, charrue et bœufs, dans l'abîme insondable
Tout est précipité : c'est le champ du maudit.
Appliquez votre oreille à cette pierre aride :
Vous pourrez percevoir... comme un bruit caverneux ;
C'est l'écho du maudit englouti dans le vide ;
Leçon pour les chrétiens : n'insultez pas les Cieux.
Zéphirin Mayrand* (1903)
Tiré de : Zéphirin Mayrand, Gerbes d'automne, Montréal, 1906, p. 91-93.
* Zéphirin Mayrand est né à Contrecœur le
31 décembre 1842, de Zéphirin Mayrand, navigateur sur le Saint-Laurent, et
d’Apolline Lamoureux. Il fit ses études à l’École commerciale de Verchères,
puis, de 1855 à 1862, son cours classique au Collège de L’Assomption.
Après ses études de droit à l’Université
Laval de Québec, il fut reçu notaire à l’âge de 21 ans. Durant quinze ans, il
exerça sa profession à Saint-Philippe de Laprairie, puis à Contrecœur pendant
18 ans. En 1899, il vint s’établir à Montréal et continua à exercer sa
profession jusqu’à la fin de ses jours.
Il collabora à plusieurs journaux et
périodiques littéraires, dont L’Opinion
publique et Le Monde illustré.
C’est lui qui est à l’origine de l’érection, en 1913, du monument aux Patriotes
à Saint-Denis-sur-Richelieu. Il avait notamment acquis le terrain où s’était
livré le plus fort de la bataille victorieuse des Patriotes à Saint-Denis.
Il est l'auteur d'un recueil de poésies, Gerbes
d’automne (1906), puis, à son retour d'un voyage en Europe, il a publié Souvenirs d’outre-mer (1912). Il a été le fondateur, puis le secrétaire, de la Société des
gens de lettres.
Zéphirin Mayrand est mort à Montréal le
9 mars 1918. Il avait épousé Cordélie Meunier dit Lapierre à Saint-Antoine-sur-Richelieu le
22 novembre 1865, puis en secondes noces Hortense Gagné à Montréal, le 2
février 1914. Il était le père d’Oswald Mayrand.
Pour en savoir plus sur la légende des Guérets de Rigaud, cliquer ICI.
La Légende des guérets, ci-haut, est tirée de Gerbes d'automne, recueil de poésies de Zéphirin Mayrand. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Vue d'une partie du « Champ de patates» de Rigaud. (Photo : Daniel Laprès, 11 septembre 2011 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir). |
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