jeudi 15 août 2019

Sur l'Atlantique

Antonio Pelletier (1876-1917)

(Source : Jacques Gouin, Antonio Pelletier : la vie et
l'oeuvre d'un médecin et poète méconnu
, Montréal
éditions du Jour, 1975)




   Sur l'Océan. Le soir. Immensité de l'eau,
   Immensité du ciel ! Le navire s'élance
   Sur l'onde qui moutonne et, forte, le balance
   Comme le vent des bois balance un nid d'oiseau.

   L'air humide est glacé. Les ténèbres descendent
   Sur l'infini des mers   ― et ce n'est pas la nuit 
   Le soleil disparaît. La lune à peine luit. 
   On entend le bruit sourd des vagues qui se fendent.

   Confusion de sons sinistres et divers,
   Gémissements lointains, délires de fanfare,
   Gammes en tous les tons. Grand Dieu, quel tintamarre !
   Océan, pleures-tu les pleurs de l'Univers ?

   La lune tristement s'avance, pâlissante,
   Les pics entrechoqués de flots tumultueux 
   Égrènent ses rayons en rubis somptueux : 
   Grandiose spectacle, attraction puissante !

   Par groupe, autour de nous, d'énormes cétacés
   ― Pieuvres, scie et requin, plongeur-volant, baleine 
   Nagent avec fracas. On perçoit leur haleine,
   Et l'eau sort en longs jets de leurs naseaux pressés.

   La vigie, en silence, à l'avant du navire,
   Marche d'un pas très lent. D'un regard attentif
   Perdu dans l'horison, elle cherche un récif ;
   On voit une banquise où quelqu'astre se mire.

   Sous la grandeur du ciel de ce soir étoilé,
   Le temps passe très vite à contempler la vague ;
   La prunelle s'en va dans l'inconnu, le vague,
   Tandis que les poumons se grisent d'air salé. 

   J'aime l'enchantement des longues rêveries
   Où nous jette la mer ― et ses émotions ; 
   J'aime son onde calme et les convulsions 
   De ses flots déchaînés ainsi que des Furies.

   Mais j'aime encore mieux, au fond des bois en paix,
   Les pensers où nous jette un chant d'oiseau qui passe
   En frôlant de son aile active et jamais lasse
   ― Comme un léger zéphyr ― les feuillages épais.

   La mer a des soupirs qui bouleversent l'âme,
   Des cris de désespoir entremêlés de pleurs, 
   Sa voix semble clamer d'éternelles douleurs ;
   Elle a des râles durs de damné qui se pâme !

   J'aime mieux le refrain du ruisseau gracieux,
   La complainte du vent dans un pin solitaire,
   Ou la voix d'une amie ou celle d'une mère : 
   Ces voix-là vont au coeur comme un écho des cieux !

                                  Antonio Pelletier* (juillet 1902)



Tiré de : Antonio Pelletier, Coeurs et homme de coeur, Montréal, G. A. Dumont libraire-éditeur, 1903, p. 156-159. Publié également dans Jacques Gouin, Antonio Pelletier : la vie et l'oeuvre d'un médecin et poète méconnu, Montréal, éditions du Jour, 1975, p. 104-105.

Antonio Pelletier est né à Sainte-Anne-de-la-Pérade le 7 juin 1876, de Jacques Pelletier, médecin, et de Marie-Joséphine Thibodeau. Orphelin de père, il fut pris en charge par son grand-oncle, John J. Ross, qui fut premier ministre du Québec de 1884 à 1887. Il fit ses études classiques au Séminaire de Nicolet, puis étudia la médecine à l'Université Laval de Montréal, dont il obtint son diplôme en 1898. Il pratiqua sa profession à l'Hôtel-Dieu de Montréal, puis à Saint-Camille, Deschaillons et Hull
   Membre de l'École littéraire de Montréal à partir de 1899, il publia des poèmes, contes, nouvelles, conférences et essais dans divers journaux et périodiques, dont Le Monde illustré, Le Samedi, La Patrie, La Presse, Le Droit, Le Pionnier. Certains de ses poèmes parurent également dans Les soirées du château de Ramezay (1900). En 1903, il publia son unique ouvrage, Coeurs et homme de coeur, un recueil de textes et de poésies. 
   Il fit des voyages en Europe en 1900, 1902, puis y passa deux ans, de 1908 à 1910, pour parfaire ses connaissances médicales. À son retour, il s'installa à Hull, où il fonda la section locale de la Société Saint-Jean-Baptiste.
   Antonio Pelletier est mort à Montréal le 28 mai 1917. Il avait épousé Florina Champagne à Hull, le 14 novembre 1904. Il est inhumé au cimetière Notre-Dame, à Hull. 
(Sources : Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 254-255 ; Jacques Gouin, Antonio Pelletier : la vie et l'oeuvre d'un médecin et poète méconnu, Montréal, éditions du Jour, 1975 ; Les amis de l'histoire de La Pérade, Deux médecins natifs de La Pérade, Trois-Rivières, éditions du Bien public, 1977 ; Ancestry.ca).

D'Antonio Pelletier, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté Rimes d'automne (cliquer sur le titre).


Dans le recueil Coeurs et homme de coeur, d'Antonio Pelletier, le poème Sur l'Atlantique,
ci-haut, est orné de cette illustration réalisée par Joséphine Thibodeau, mère de l'auteur.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le poème Sur l'Atlantique, ci-haut, est tiré 
du recueil Coeurs et homme de coeur
d'Antonio Pelletier. On peut le télécharger 
gratuitement ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dédicace manuscrite d'Antonio Pelletier dans Coeurs
et hommes de coeur et adressée à Colette Lesage,
l'une des premières femmes journalistes au Québec.

(Collection Daniel Laprès ;
 cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Antonio Pelletier est né dans cette maison sur le bord de la
rivière Sainte-Anne, à Sainte-Anne-de-la-Pérade. La maison
appartint notamment à son grand-oncle et tuteur, John J. Ross,
premier ministre du Québec de 1884 à 1887, et elle existe
encore de nos jours.

(Source : Jacques Gouin, Antonio Pelletier : la vie et l'oeuvre d'un
médecin et poète méconnu
, Montréal, éditions du Jour, 1975 ; 

cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Lors de la parution de son recueil Coeur et hommes
 de coeur
, Antonio Pelletier s'est valu la « une » de
l'édition du 1er août 1903 du journal Le Passe-Temps.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

Antonio Pelletier et son épouse Florine (« Fleur ») à Saint-Camille, en Estrie,
où le couple s'est établi après leur mariage en 1904. La légende de la photo
indique que le cheval s'appelait « Jack ».

(Source : Jacques Gouin, Antonio Pelletier : la vie et l'oeuvre d'un
médecin et poète méconnu
, Montréal, éditions du Jour, 1975 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans le journal Le Passe-Temps à l'occasion
  de la sortie de Coeurs et homme de coeur.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Recension de Cœurs et homme de cœur dans
l'hebdomadaire Le Samedi du 25 juillet 1903.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Maison habitée par Antonio Pelletier lors de son séjour à
Deschaillons, où il pratiqua la médecine quelques temps.

(Source : Jacques Gouin, Antonio Pelletier : la vie et l'œuvre d'un
médecin et poète méconnu
, Montréal, éditions du Jour, 1975 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

Antonio Pelletier en 1901.

(Source : BANQ)

À partir de 1910 et jusqu'à sa mort en 1917, Antonio Pelletier s'est établi à Hull,
 dont il habita en 1913-14 cette maison au 69 rue Laurier, qui lui servait également 

de cabinet  médical. La maison a longtemps abrité le célèbre Café Henry Burger
notamment fréquenté par la classe politique de la région. De nos jours, l'édifice 
héberge la Papaye verte, un restaurant de cuisine thaïlandaise.

(Sources : BANQ et Street View ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Annonce d'affaires dans Le bulletin paroissial
de Hull, 5 juillet 1914.

Article paru dans La Presse du 2 juin 1917 à
l'occasion de la mort d'Antonio Pelletier.

(Source : BANQ)

Deux ouvrages sur Antonio Pelletier : une biographie signée Jacques Gouin, contenant 
les poésies complètes d'Antonio Pelletier, parue en 1975 aux Éditions du Jour, et dont 
on peut trouver de rares exemplaires ICI et ICI.
Puis une brochure publiée en 1977 et  
que l'on peut encore se procurer à la Société 

d'histoire de Sainte-Anne-de-la-Pérade : pour informations, cliquer ICI.

 (Cliquer sur l'image pour l'agrandir).


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