lundi 17 juin 2019

Du fond du lac ― Du fond de l'âme

Apollinaire Gingras (1847-1935)

(Source : son recueil L'Emballement)




   Oh ! comme il est gai, cet ami : 
   Quelle verve ! ― Plus il s'en donne,
   Plus au contraire je soupçonne
   Qu'il n'est jamais gai qu'à demi. 

   Comme un nuage aux flancs d'un mont,
   Dans la plus vive causerie
   J'ai vu souvent la rêverie
   Soudain passer sur son beau front. 

   Ô mystère du coeur humain,
   Souvent au milieu d'un fou-rire
   J'ai vu de son âme en délire
   Un soupir s'échapper soudain.

   Le lac, riant, profond et pur,
   Était bordé de fleurs nouvelles : 
   En l'effleurant, les hirondelles
   N'en ridaient pas les flots d'azur.

   J'étais enfant : j'aimais à voir
   Les verts goujons, les rouges truites, 
   Converger vers les marguerites
   Que j'égrainais sur ce miroir.

   Heureux de son riche décor,
   Le lac, dans son miroir inerte,
   Réfléchissait la forêt verte,
   Répercutait le beau ciel d'or.

   Mais moi, du fond de l'étang clair
   Dont la surface était de flamme,
   Comme un soupir du fond d'une âme
   Je vis poindre une bulle d'air.

   Et je dis : sur le sable fin
   Qui fait le fond du lac sauvage,
   Remue un vivant coquillage,
   Un crabe noir, que sais-je enfin.

   Ami ! l'étang clair, c'est ton coeur.
   Au fond du coeur le plus limpide
   Remue un petit monstre avide, ― 
   Le secret désir du bonheur ! 

       Apollinaire Gingras (Saint-Édouard-de-Lotbinière, 1880)



Tiré de : Apollinaire Gingras, Au foyer de mon presbytère : poèmes et chansons, Québec, Imprimerie A. Côté et Cie, 1881, p. 101-103. 

Pour en savoir plus sur Apollinaire Gingras, voyez les informations et documents sous ses poèmes Le marécage et La cabane à sucre, également présentés par les Poésies québécoises oubliées


Le poème Du fond du lac ― Du fond de l'âme,
ci-haut, est tiré du recueil Au foyer de mon
presbytère
, d'Apollinaire Gingras, que l'on
peut télécharger gratuitement ICI.

Apollinaire Gingras, à l'époque où il était
curé de Saint-Édouard-de-Lotbinière, où
il a composé les poèmes de son recueil
Au foyer de mon presbytère.

Première église et premier presbytère de Saint-Édouard-de-Lotbinière, tels qu'ils étaient à
l'époque où Apollinaire Gingras était curé de la paroisse et a composé les poèmes de son
recueil Au foyer de mon presbytère.


(Source : Paroisse Saint-Laurent & Rivières-du-Chêne)

Vue aérienne de Saint-Édouard-de-Lotbinière.

(Source : MRC Lotbinière ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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