vendredi 12 octobre 2018

Nature, que fais-tu ?

Louis-Joseph Chagnon (1889-1947)

(Source : Centre d'histoire
de Saint-Hyacinthe
)




   Belle Nature, ô ma mignonne,
   Que fais-tu donc depuis deux mois ?
   Toute ta gloire t'abandonne,
   Les feuilles tombent dans les bois.

   Holà ! que fais-tu de tes charmes
   Et de ton si joyeux refrain ?
   Vois donc, mon coeur est tout en larmes
   Et mes yeux sont pleins de chagrin. 

   Hier encor tes fleurs écloses
   Grisaient nos coeurs d'un doux parfum ; 
   Mais aujourd'hui, toutes moroses,
   Elles gisaient, bonheur défunt !

   Octobre a mis de la tristesse
   Dans les maisons et les chemins.
   Et moi je vais, l'âme en détresse,
   Cherchant à te tendre la main. 

   Belle Nature, ô bien-aimée,
   Que fais-tu donc de tes atours ?
   Ton âme est-elle donc fermée
   Pour le poète et ses amours ?

   Voici Novembre aux nuits dorées
   Jetant du blanc sur tes cheveux.
   Déjà mes vitres sont givrées
   Et tout transis sont mes aveux.

   Le Mois des Morts, au coeur de marbre,
   Dans les beffrois teinte ses glas. 
   Et moi, dont la figure est glabre
   Déjà je me sens las, bien las !

   Ah ! ta tristesse s'harmonise
   Avec les peines des humains ; 
   Mais la prière divinise 
   Et la souffrance et les chagrins. 

   Et je comprends, belle Nature, 
   Pourquoi ton coeur est endeuillé.
   Ah ! ce crêpe à ta devanture,
   Hélas ! c'est moi qui l'ai cloué ! 

   Oui, je comprends, ô ma mignonne,
   Ce que nous dit ton deuil si beau : 
   Tu ne veux pas qu'on abandonne
   Ceux qui dorment dans le tombeau. 

                Louis-Joseph Chagnon(1911)




Tiré de : Louis-Joseph Chagnon, La chanson des érables, Montréal, Les éditions du Devoir, 1925, p. 79-80.

*  Louis-Joseph Chagnon est né à Waterloo (comté de Shefford) le 2 août 1889, de Joseph-Antoine Chagnon, avocat, et de Hermine Blanche Caron. Après avoir fait ses cours primaire et secondaire au Collège Saint Bernardin de Waterloo, il fit ses études classiques au Séminaire de Saint-Hyacinthe de 1903 à 1911, puis étudia le notariat à Granby de 1913 à 1915.
   Journaliste et traducteur, il devint en 1910 rédacteur du Journal de Waterloo, propriété de son père qu'il dirigea jusqu'en 1912. À partir de 1915, il entra dans la fonction publique, puis devint traducteur des débats de la Chambre des Communes, poste qu'il occupa jusqu'à son décès. 
   Il publia en 1925 son seul recueil de poésies, La chanson des érables, dont la plupart des poèmes furent composés durant ses années d'études au Séminaire de Saint-Hyacinthe. Il publia plusieurs poèmes dans des journaux et périodiques, sous les noms de plume de « Louis de Rosale» et « Jean de Ravier ». Plusieurs de ses poésies ont été mises en musique par Pierre Gauthier, Joseph Beaulieu, Paul Larose et plusieurs autres, et certaines, dont la musique a été composée par Joseph Beaulieu, font partie du recueil La bonne chanson, de l'abbé Gadbois.
   Il est l'auteur d'une pièce de théâtre, Le chapeau de paille, qui fut jouée en diverses localités et qui fut primée en 1928 au concours du Salon des poètes de Lyon.
   Il reçut diverses distinctions littéraires, dont celle, en 1924, de diplômé d'honneur au concours de la Revue des poètes de France, puis il fut, en 1927, lauréat du Salon des poètes de Lyon. Il était membre de la Société des poètes canadiens-français et de la section littéraire de l'Institut canadien-français.
   Très actif dans la vie culturelle, littéraire et patriotique de l'Outaouais, il fut notamment élu en 1929 président de l'Association technologique de langue française et président de la Société Saint-Jean-Baptiste d'Ottawa. Il fut également directeur de la Société de conférences de l'Université d'Ottawa et de l'Alliance française d'Ottawa.
   Louis-Joseph Chagnon est mort à Ottawa le 16 juillet 1947. Il avait épousé Denise Pelletier à Granby le 18 août 1915.
(Sources principales : Le Droit, 19 juillet 1947 ; Bernard Vinet, Pseudonymes québécois, Québec, éditions Garneau, 1974, p. 291 ; Georges Bellerive, Nos auteurs dramatiques anciens et contemporains, Québec, 1933, p. 121 ; Précis d'histoire littéraire : littérature canadienne-française, Lachine, Procure des Missions des Soeurs de Saint-Anne, 1928, p. 166-167 ; Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 201-202 ; The Ottawa Journal, 21 juillet 1947). 


De Louis-Joseph Chagnon, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté: La voix des bois (cliquer sur le titre).



La chanson des érables, recueil de
Louis-Joseph Chagnon d'où est tiré
le poème Nature, que fais-tu ?, ci-haut.
Il en reste seulement deux exemplaires
sur le marché en ligne, voir ICI et ICI.


(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dès ses années d'études au Séminaire de Saint-Hyacinthe, Louis-Joseph Chagnon
était impliqué en faveur de la qualité de l'usage de la langue française. On le voit ici
en 1909-1910 avec des membres du Cercle (ou Académie) Girouard du Séminaire.
De gauche à droite : Philippe Auger, Gaston Ringuet, Eugène Poirier, Louis-Joseph Chagnon
 et Rosario Brodeur, accompagnés des abbés Fabien-Zoël Decelles et Émile Chartier.


( Collection Centre d'histoire de Saint-Hyacinthe :
CH001-S13-SS3-SSS3-D1-P014_Académie Girouard)

Article du journaliste et écrivain
Harry Bernard dans Le Courrier de
Saint-Hyacinthe
du 2 octobre 1925,
au sujet du recueil de poésies de
Louis-Joseph Chagnon.


(Source : BANQ)

Article relatant les funérailles de Louis-Joseph Chagnon
dans The Ottawa Journal, 21 juillet 1947.


(Source : NewsPapers.com ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce poème, parce qu'il me parle. L'auteur n'essaie pas de m'embobiner dans une farandole de mots. Il est direct.
    Merci pour tout ce que vous faites, en faisant revivre ces poètes méconnus.

    Djada Carfax
    https://www.facebook.com/djada.carfax

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  2. En effet, la simplicité rime souvent avec beauté !
    Ravi que les œuvres de nos poètes oubliés reprennent vie par votre lecture :)

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