Émile Coderre alias Jean Narrache (1893-1970) (Source : Richard Foisy, Un poète et son double) |
J'commence à m'tanner d'me fair'dire :
« Pourquoi c'est qu't'es pas député ? »
J'sais si ben qu'pour me faire élire
J'ai pas besoin d'êtr'ben futé.
Il faut un'cart'de compétence
Mêm'pour être un simple ouvrier,
Mais ça prend aucun'connaissance
Pour s'mettre à politicailler.
Faudra que j'gagne à la barbotte
Vu qu'faut du whiskey puis d'l'argent
Pour pouvoir m'ach'ter assez d'votes ;
Des cabaleurs, c'est exigeant.
Comm'de raison, faut êtr'pratique ;
Ach'ter trop d'votes, c'est un défaut,
Vu qu'l'économie politique
C'est d'pas ach'ter plus d'votes qu'il faut.
Un' fois élu, j'm'la coul'rai douce
Comme tout bon membr'du parlement.
J'm'éreint'rai à m'tourner les pouces
Pour supporter l'gouvernement.
J'vous promets que j'resterai tranquille
Puis qu'j'aurai jamais d'opinion.
À quoi ça sert de s'fair' d'la bile
Au lieu d's'occuper d'ses oignons ?
J's'rai pas d'ces zélés qui s'débattent
En disant qu'ils font leur devoir.
Moi, j'promets d'rester à quatr'pattes
Devant ceux qui sont au pouvoir. [...]
Jean Narrache* (1961)
Tiré de : Émile Coderre, J'parle tout seul quand Jean Narrache, Montréal, Les Éditions de l'Homme, 1961, p. 117-118.
* Émile Coderre, dont le nom de plume est « Jean Narrache », est né à Montréal, dans la paroisse Saint-Vincent-de-Paul (quartier Sainte-Marie), le 10 juin 1893, d'Émile Coderre, pharmacien, et de Jeanne Marchand. Très tôt orphelin, il fut adopté à l'âge de quatre ans par M.-A. Ouimet. Il fut pensionnaire au Séminaire de Nicolet (1904-1912), puis prit sa licence en pharmacie à l'Université de Montréal (1919). En 1924, il devint représentant et publiciste pour la compagnie de peinture Martin-Senour.
Ayant écrit plusieurs textes pour les journaux sur des sujets littéraires ou techniques, il publia en 1922 un premier recueil de poésies, Les signes sur le sable. Il publia par la suite, sous le nom de plume de Jean Narrache, Quand j'parl' tout seul (1932) ; Histoires du Canada : vies ramanchées (1937) ; J'parl' pour parler (1939) ; Bonjour les gars ! (1948) ; J'parle tout seul quand Jean Narrache (1961) ; Jean Narrache chez le Diable (1963).
En 1932, il obtint la médaille d'argent de la Société des Poètes canadiens-français.
Il fut également chroniqueur à la radio. Secrétaire du Collège des Pharmaciens de 1945 à 1961, il fut aussi professeur à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal.
Émile Coderre est mort à Montréal le 6 avril 1970. Il avait épousé Marie-Rose Tassé le 19 septembre 1921.
(Source principale : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 1014).
Pour en savoir plus sur Émile Coderre alias Jean Narrache, voyez : Paroles retrouvées de Jean Narrache.
D'Émile Coderre, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : ― L'orgue de Barbarie.
J'parle tout seul quand Jean Narrache, recueil d'où est tiré le poème Je présente ma candidature, ci-haut. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite de Jean Narrache, dans son recueil Bonjour les gars !, publié en 1948. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Un poète et son double, de Richard Foisy, est certainement l'une des plus belles et des plus touchantes biographies publiées au Québec depuis de nombreuses années. Les Poésies québécoises oubliées la recommandent chaleureusement. (Informations ICI) |
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