dimanche 8 avril 2018

Le médicastre

Les Mauvais MédecinsJames Ensor, 1900.

(Source : ArtsDot.com ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)




   Je chante ici le médicastre
   Qui vous prescrit des traitements,
   Vous gorgeant de médicaments,
   Par le seul souci de la piastre. 

   Dans l'art de l'opération,
   Il est habile, le compère, 
   C'est votre bourse qu'il opère
   En pratiquant l'ablation.

   La chose point ne le regarde.
   Le patient peut bien mourir.
   Il a mis son temps à mûrir :
   Il est donc mûr pour la Camarde

   Il s'y connaît, ― je vous le dis,
   Il connaît l'heure la plus proche
   D'envoyer des sous dans sa poche,
   Et des anges au Paradis. 

   Il est homme de conscience. 
   Ah ! ne vous y méprenez pas ! 
   Il en a sauvé du trépas,
   Plus par hasard que par science. 

   Dès qu'il vous tâte il vous guérit
   De votre trop ardente envie
   De lui confier votre vie
   Sous les coups de son bistouri. 

   Il détient de l'Académie 
   La médaille de chocolat.
   Il a bien mérité cela,
   Ce phénix en anatomie. 

               Albert Brunner* (1940)



Tiré de : Albert Brunner. Satires et Poèmes, Montréal, Éditions Bernard Valiquette, 1940, p. 61-62. 

* On ne sait pas grand chose sur Albert Brunner, sauf que les recherches des Poésies québécoises oubliées ont permis de trouver qu'il est né à Loèche-les-Bains, en Suisse, le 8 novembre 1884, qu'il est décédé à Lachine (Montréal) le 16 février 1973 et qu'il laissa dans le deuil un seul frère pour toute famille, comme l'indiquent ci-dessous la notice nécrologique et la lettre de son frère à un magazine suisse, dans laquelle on apprend aussi qu'Albert Brunner avait pour nom de plume « Rablet ».
   Comme nous l'a appris notre recherche dans l'Annuaire Lovell, Albert Brunner gagnait sa vie comme photographe (voir les captures d'écran ci-dessous). Le site de la BANQ contient quelques clichés pris par lui : voyez ICI.
  On ne lui connaît qu'un seul ouvrage publié, soit
Satires et Poèmes. Le Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec (vol. 3) ne contient aucune information biographique sur lui, quoique son recueil Satires et Poèmes y soit présenté. On y lit notamment ceci : « Le recueil de Brunner est un livre sans prétention, comme il l'écrit dans son épigraphe. Il réussit quand même à étonner par le genre littéraire qu'il met en valeur, la satire, et par son habileté à utiliser un humour fort caustique qui n'épargne rien ni personne » (p. 898). 
   Comme on peut le voir dans les extraits de journaux ci-dessous présentés, Satires et Poèmes a reçu un accueil plutôt sympathique de la critique, ce qui laisse perplexe quant à l'oubli total que son auteur a subi par la suite. 

Albert Brunner (1884-1973)

C'est la seule photo connue de lui. 
(Source : Le Petit Journal, 20 février 1944)

On ne s'ennuie pas un instant à la lecture des
Satires et Poèmes d'Albert Brunner. On peut
encore en trouver de rares exemplaires
ICI et ICI. 

Le Devoir, 3 décembre 1940

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Progrès du Saguenay, 5 décembre 1940.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Nouvelliste, 11 octobre 1941.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Comme on le voit sur cette capture d'écran prise à partir de
l'Annuaire Lovell de 1946 sur le site de la BANQ, Albert Brunner
gagnait sa vie comme photographe, son adresse étant le
2301 avenue du Souvenir, près de l'avenue Atwater et au
sud du boulevard Dorchester, à Montréal. On peut être
assuré que c'est le bon Albert Brunner, car quelques années
auparavant, l'annuaire Lovell montrait que son frère Marius
habitait là lui aussi. 

Cliché pris par Albert Brunner de la façade
du Château Ramezay, à Montréal.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Notice nécrologique dans La Presse, 19 février 1973.
On remarque que même si Albert Brunner semble avoir 

gagné sa vie comme photographe, c'est sa qualité
d'écrivain-poète que ses proches ont retenue de lui. La 
formulation de la notice prête toutefois à confusion : nos
recherches ont permis de trouver que ce n'est pas Albert
Brunner qui était « autrefois du Drury's Restaurant »
mais son frère Marius. 

Lettre ouverte du frère d'Albert Brunner, Marius, dans le
magazine suisse 13 Étoiles, numéro 3, mars 1977, p. 6 et 8.
Marius Brunner est décédé en juillet 1990 (voir ICI)

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
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