dimanche 7 février 2021

Credo

Narcisse-Henri-Édouard
Faucher de Saint-Maurice

(1844-1897)

(Source : Fonds d'archives du Séminaire de
Québec ; Musée de la civilisation du Québec)






   Seul et transi dans ma froide mansarde,
   Quand tout est noir parfois j'aime à rêver ; 
   Prenant alors le puissant luth du barde,
   Pauvre bohème aux cieux je vais planer. 
   Oubliant là la froideur égoïste
   Qui foule aux pieds le poète indigent,
   Je crois encore au génie, à l'artiste,
   Et n'entends plus l'affreux cri : « De l'argent !» 

   Je crois à tout ce qui vit et qui s'aime,
   À l'harmonie, au soleil, à la fleur,
   À l'amour pur, ce brillant diadème
   Qui garde à l'homme un reste de grandeur.
   Je crois encore à l'avenir doré, 
   À l'amitié, ce fruit délicieux
   Qui ne mûrit qu'aux champs de l'Empyrée
   Et qu'on recueille aux grands jardins des cieux.

   Je crois en vous, modeste prolétaire
   Qui retrempez votre vie aux malheurs ;
   La peine fut votre lot sur la terre,
   Pour vous je crois en des jours bien meilleurs.
   Je crois en vous, sublime réfractaire,
   Vous qui luttez contre un triste destin ;
   Vous végétez ici dans le mystère,
   Mais le soleil sur vous luira demain.

   Je crois aux pleurs que versa la misère,
   Lorsqu'en passant elle dit : « Charité ! » ;
   Je crois encore à la voix de mon père
   Qui m'enseigna : « Patrie et Liberté ! ». 
   Mais, méprisant les perfides richesses,
   Je ne crois pas au bonheur d'amasser ;
   Et des puissants refusant les largesses,
   Je crois en Dieu qui nous fit pour s'aimer.

            Faucher de Saint-Maurice* (Québec, 26 septembre 1863)



Tiré de : Yolande Grisé et Jeanne d'Arc Lortie, Les Textes poétiques du Canada français, volume 10, Montréal, Fides, 1997, p. 284-285. Le poème fut originellement publié sous le pseudonyme de « Henri de Vincennes » dans le journal Le Canadien du 28 septembre 1863.

*  Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice est né à Québec le 18 avril 1844, de Narcisse-Constantin Faucher, avocat et seigneur de Beaumont, et de Catherine-Henriette Mercier. 
   Après avoir fait ses études classiques au Séminaire de Québec, il entra à titre de clerc au cabinet des avocats Henri-Elzéar Taschereau et Ulric-Joseph Tessier
   En 1864, il fit un voyage rocambolesque au Mexique, où il servit comme officier dans les troupes françaises durant l'Expédition du Mexique. Blessé, il fut fait prisonnier et condamné à mort, mais il parvint à en réchapper et revint à Québec en 1866, où il s'engagea dès lors dans la vie littéraire en signant des articles dans divers journaux et périodiques. Il adopta le nom littéraire de Faucher de Saint-Maurice, inspiré de son ancêtre Léonard Faucher dit Saint-Maurice.
   Il est l'auteur de plusieurs livres, dont  De Québec à Mexico : souvenirs de voyage (1874) ; Choses et autres (1874) ; De tribord à bâbord (1877) ; À la brunante. Contes et récits (1878); Deux ans au Mexique (1878) ; Promenades dans le golfe du Saint-Laurent (deux tomes, 1879 et 1880) ; Joies et tristesses de la mer (1888) ; Loin du pays (1889) ; La question du jour : resterons-nous français ? (1890).
   En 1867, il obtint l'emploi de greffier des bills privés au Conseil législatif. En 1881, il fut élu député conservateur de Bellechasse à l'Assemblée législative du Québec et resta en fonctions jusqu'en 1890, tout en restant actif dans le journalisme, d'abord à titre de rédacteur au Journal de Québec à partir de 1883, puis il passa au journal Le Canadien en 1885. 
   À la fin de son mandat parlementaire, en 1890, il se fit nommer greffier des procès-verbaux pour le Conseil législatif. Il continua à publier des articles dans divers périodiques dont Le Monde illustré et La Revue Nationale. Il est l'auteur de quelques poèmes, la plupart publiés sous le pseudonyme de « Henri de Vincennes ».
   Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice est mort à Québec le premier avril 1897. Il avait épousé en 1867 Joséphine Berthelot d'Artigny, nièce de Louis-Hyppolyte Lafontaine
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, Fides, 1980, p. 5 ; Biographi.ca). 

Pour en savoir plus sur Faucher de Saint-Maurice, cliquer ICI. 


Le poème Credo, ci-haut, de Faucher de
Saint-Maurice, est tiré du volume 10 des
Textes poétiques du Canada français.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Faucher de Saint-Maurice

(Source : Fonds d'archives du Séminaire de
Québec ; Musée de la civilisation du Québec)

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1 commentaire:

  1. Quel incroyable et MAGNIFIQUE poème ! Tellement à contre-courant du monde moderne matérialiste qui court à sa perte ! Probablement un des plus beaux poèmes édités sur ce blog. Merci Monsieur !

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