vendredi 28 août 2020

Harmonies

Hubert LaRue (1833-1881)

(Source : Pierre-Georges Roy,
L'île d'Orléans, Québec, 1928)




   Dans ce livre où je vous chaque page remplie
   De fleurs, de compliments, de souhaits, de soupirs,
   Vous voulez que ma muse, un instant recueillie,
   Ajoute quelque chose à tous ces souvenirs. 

   Le parterre, en effet, n'est jamais si garni
   Qu'on ne puisse y trouver un tout petit espace
   Pour la modeste fleur qui, cherchant un abri,
   Se contente aisément de la dernière place. 

   La fontaine qui dort dans la forêt tranquille
   Et mire dans ses eaux la tige du nopal
   Jamais n'a dédaigné d'offrir un humble asile
   À la goutte qui tombe et trouble son cristal. 

   La branche qui gémit sous le fardeau des fleurs
   Jusqu'ici n'a jamais, au moment de l'orage, 
   De son moelleux duvet refusé les douceurs
   À l'oiseau fatigué qui revient du nuage...

   J'aime la fleur des champs dont la fraîche corolle
   Se dérobe aux regards à l'ombre des forêts,
   Quand le souffle embaumé du zéphyr qui s'envole,
   De son réduit obscur vient trahir les secrets. 

   J'aime le mont abrupt dont la superbe cime
   S'élance avec orgueil et menace les cieux,
   Les grandes voix des vents qui roulent sur l'abîme
   Et courbent des grands pins les fronts audacieux. 

   J'aime le lac uni quand un léger murmure
   D'un doux frémissement fait trembler les roseaux,
   Quand il vient expirer sur un lit de verdure,
   Se ride avec amour sous l'aile des oiseaux. 

   J'aime le fier courroux de la mer en délire,
   Le flot précipité qui se choque avec bruit
   Quand, venant heurter au roc qui le déchire,
   Il jette mille éclairs au flot noir qui le suit. 

   J'aime l'astre des nuits luttant contre les ombres
   Qui va, se balançant dans un ciel pur et bleu, 
   Quand son éclat pâlit sur les collines sombres,
   Se réfléchit sur l'onde en brillants traits de feu.

   J'aime encore les combats, les grands bruits de la guerre,
   Le choc retentissant du bronze et de l'acier,
   Les lugubres éclats des grands coups de tonnerre
   Que fait jaillir le ciel ou la main du guerrier. 

                                        Hubert LaRue (1861)



Tiré de : Les textes poétiques du Canada-français, volume 9, Montréal, éditions Fides, 1996, p. 221-22. Le poème a été publié pour la première fois dans le numéro de juillet-août 1861 de la revue littéraire Les Soirées canadiennes.  

Pour en savoir plus sur Hubert LaRue, cliquez sur cette
illustration pour consulter le dossier présenté par les 
Glanures historiques québécoises :



Hubert LaRue fait partie des 100 poètes présentés 
dans l'album Nos poésies oubliées, qui sortira de presse  
le 4 septembre 2020. Pour se procurer cet ouvrage dont 
l'édition est unique et le tirage limité, voyez le bon de
commande en cliquant sur l'image de sa couverture : 



D'Hubert LaRue, les Poésies québécoises oubliées ont
également présenté Rêve du ciel. On peut aussi voir 
et écouter les enfants de la famille Forget déclamer 
ce poème en cliquant sur cette image : 



Figure importante de la renaissance patriotique et littéraire
du Canada français des années 1860, Hubert LaRue a publié
de nombreux volumes et récits, dont son magnifique Voyage
autour de l'île d'Orléans, un texte qui mérite amplement 
d'être publié de nouveau. On peut le consulter ou le 
télécharger en cliquant sur cette illustration : 


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