mercredi 25 janvier 2023

Saint-Jean-Port-Joli

Vue de Saint-Jean-Port-Joli en 1900. 

(Source : Musée de la civilisation du Québec / Fonds d'Archives du
Séminaire de Québec
. Cliquer sur l'image pour l'élargir)




   Ô Saint-Jean-Port-Joli, que j'aime sur ta rive,
   Qu'un vieux fleuve amoureux baise en la caressant,
   Dans la fraîcheur du soir, cheminer, écoutant
   Du Saint-Laurent la voix monotone et plaintive...
   Et quand la lune argente en souriant ses flots,
   Il monte dans la nuit une chanson craintive,
   Douce comme un soupir se plaignant aux échos. 

   Quand les chanteurs des bois sérénadent l'aurore,
   Que la sonore voix du vieux clocher béni
   Égrène son appel dans l'air tout réjoui
   Conviant le chrétien vers le Dieu qu'il adore...
   Un charme inoubliable imprègne tes matins,
   Tes matins parfumés qu'un joyeux soleil dore,
   Ô Saint-Jean-Port-Joli, paradis canadien.

   Le grain rapportera, car déjà dans la plaine
   Montent les verts épis prometteurs des moissons ;
   Heureux, le laboureur fredonne les chansons
   Et bénit l'Éternel en son âme sereine.
   Il a peiné bien fort, en rude travailleur...
   Pour sa peine, demain, la grange sera pleine.
   Ô Saint-Jean-Port-Joli, tes enfants ont de l'heur !

   C'est veille du repos, vite, on pend les faucilles ;
   Après messe, demain, par essaims tout joyeux,
   Les jeunesses iront dans les grands bois ombreux
   Cueillir les fraises et conter fleurette aux filles.
   Ô Saint-Jean-Port-Joli, c'est l'espoir de demain,
   Ces gars à l'œil hardi, ces fillettes gentilles...
   Et l'amour, sous ton ciel, ne connaît nul chagrin.

                               Jean-Eugène Marsouin* (1911)



Tiré de : Jean-Eugène Marsouin, Rimes de chez nous, Montréal, Imprimerie parisienne, 1911, p. 26-27. 


   * Joseph-Eugène Godin, dont l’un des noms de plume est Jean-Eugène Marsouin et qui, ayant modifié l’orthographe de son patronyme, était connu sous le nom de J.-Eugène Gaudin, est né à Montréal le 27 ami 1878, de Francis Benjamin Godin, huissier, et d’Aloïsia Quenneville.
      Son parcours scolaire primaire et secondaire reste inconnu. Après avoir effectué des études à l’Université McGill, il partit pour le Conservatoire de Boston, où il obtint un diplôme en prosodie musicale.
    De retour au pays, il composa de nombreux poèmes qu’il publiait parfois dans divers journaux et périodiques, dont La Presse. En 1911, il publia un petit recueil, Rimes de chez nous, sous son pseudonyme de « Jean-Eugène Marsouin ». Sous son second nom de plume de « Bernard Chat », il publia sous forme de brochure divers poèmes, dont : J’ai de l’or : conte druidique moderne (1944 ; cliquer sur le titre). Toujours sous son pseudonyme de « Bernard Chat », il conçut un deuxième recueil, La Lyre savante (1943). On trouve parmi ses autres œuvres : Quand un mouton se fait bélier ; Pitié sur les berceaux : essai de sociologie contemporaine ; Les sept paroles du Christ. On lui connaît diverses chansons, dont Un cri populaire : chanson typique montréalaise (cliquer sur le titre).
      Dans les années 1920, alors que les cercles littéraires florissaient à Montréal, il était connu comme l’une des figures les plus populaires parmi les amateurs de poésie et de musique. Le 20 mai 1930, il donna, en la salle de l'hôtel Viger de Montréal, une première audition de deux de ses pièces inédites en vers et en prose, Ah les hommes ! et Sonnet expliqué. La même année, il fonda le Salon littéraire de Montréal, puis, en 1937, le Cercle social Buies-Drummond, lequel tenait aussi diverses activités littéraires et artistiques. Il finança quelques prix de poésie et participa à divers récitals et spectacles littéraires et musicaux, dont un très couru « Gala du rire » en février 1939 en compagnie de divers gens de lettres dont Émile Coderre dit « Jean Narrache » (cliquer sur le nom).
    Membre de l’Académie royale de musique de Londres, il avait des liens d’amitié avec Ignacy Paderewski (1860-1941), compositeur et pianiste de renommée mondiale, et Emiliano Renaud (1875-1932), compositeur et premier pianiste virtuose canadien-français (cliquer sur les noms).
      Il gagna sa vie en tenant un petit atelier d’imprimeur, rue Berri à Montréal, d’où le surnom de  « poète-imprimeur » qui lui fut accolé. 
    J.-Eugène Gaudin est mort à Montréal le 5 septembre 1946. Il avait épousé en première noces, le 16 juin 1909 à Saint-Jean-Port-Joli, Marie-Anna Fortin, dont il devint veuf en décembre 1940. En février 1942, il épousa en secondes noces Élisabeth Bélanger, vraisemblablement à Lewiston (Maine).

(Sources : Registres des paroisses du Sacré-Cœur de Montréal (27 mai 1878) et de Saint-Jean-Port-Joli (16 juin 1909) ; Georges Bellerive, Nos auteurs dramatiques anciens et contemporains, Québec, 1933, p. 123 ; Dictionnaire des poètes d’ici de 1606 à nos jours, Montréal, Guérin, 2005, p. 580 ; Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 3, Montréal, Fides, 1982, p. 592 ; La Patrie, 27 septembre 1930 ; Le Devoir, 6 décembre 1940 et 7 septembre 1946 ; Le Petit Journal, 22 février 1942 ; Le Quartier latin, 25 février 1944 ; La Presse, 7 septembre 1946 ; Le Passe-Temps, septembre 1946. La notice biographique ci-haut est la première à être publiée et qui permette, suite à nos recherches, de connaître notamment les données de la naissance de J.-Eugène Gaudin, de même que les grandes lignes de sa vie).



J.-Eugène Gaudin (né Godin)
(1878-1946)
Il écrivait souvent sous des noms de plume,
dont les plus connus sont « Jean-Eugène
Marsouin
» et « Bernard Chat ».

Le poème ci-haut dédié à Saint-Jean-Port-Joli
est tiré du recueil Rimes de chez nous, de
J.-Eugène Gaudin alias Jean-Eugène Marsouin.
Il s'agit du village d'où origine son épouse.

Portrait de J.-Eugène Gaudin, alias
Jean-Eugène Marsouin, dans son
recueil Rime de chez nous (1911), 
réalisé par Alfred Faniel (cliquer
sur son nom).

J.-Eugène Gaudin en 1901, âgé de 23 ans.

(Source : BANQ)

Article paru dans La Patrie du 14 juin 1930 sur le Salon littéraire de
Montréal, dont J.-Eugène Gaudin fut le fondateur et président. 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Article de La Patrie du 27 septembre 1930 en appui au
Salon littéraire de Montréal, fondé par J.-Eugène Gaudin.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Cette annonce parue dans La Patrie du 31 décembre 1930
révèle l'adresse de la résidence et du petit atelier d'imprimeur
de J.-Eugène Gaudin, soit le 2044-48 rue Berri, à Montréal. Tout
ce milieu de vie a été ravagé par l'enlaidissement tout à fait
typique du modernisme : cliquer ICI pour voir ce qui est
devenu sans doute l'une des plus laides perspectives
urbaines d'Amérique du Nord.

Article paru dans L'Illustration nouvelle du 15 février 1939 au sujet d'un « Gala
du rire » auquel ont pris part J.-Eugène Gaudin et de nombreux autres artistes
et écrivains dont Émile Coderre alias « Jean Narrache ». 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Il arrivait à J.-Eugène Gaudin de financer des prix de poésie,
 comme en fait foi cette annonce parue dans le journal Le
Quartier latin
du 25 février 1944.La mention « régionalisme
interdit » est toutefois un peu curieuse... 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'annonce pour l'élargir)

Cet article paru dans La Patrie du 9 septembre 1944 relate ce qui est
probablement la dernière entrevue accordée par J.-Eugene Gaudin,
qui est décédé deux ans plus tard presque jour pour jour.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Cette photo accompagne l'article présenté ci-haut et paru dans La Patrie du 9 septembre 1944.

La Presse, 7 septembre 1946.

Le Passe-Temps, septembre 1946.

Le Devoir, 7 septembre 1946.


J.-Eugène Gaudin est mentionné dans de rares
manuels de l'histoire littéraire du Québec, mais 
aucun d'entre eux ne présente d'informations 
précises sur sa vie. Par exemple sa date et son 
lieu de naissance étaient jusqu'à présent inconnus.
Cette lacune est maintenant corrigée, comme 
l'attestent les deux documents qui suivent et
que nous venons de retracer après de longues
et tenaces recherches dans les archives
(voyez les légendes explicatives sous les 
documents ) :

Extrait du registre de la paroisse Sacré-Coeur-de-Jésus, à Montréal,
27 mai 1878. On y constate que le patronyme était à l'origine « Godin »,
que J.-Eugène modifiera, au moins publiquement, pour en faire « Gaudin ». 

Extrait du registre de la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli, 
16 juin 1909. On y constate que même à 31 ans, à 
l'occasion de son mariage, J.-Eugène signait « Godin » 
conformément au patronyme de sa naissance. Il est 
probable que pour les éléments privés de sa vie il 
ait conservé son patronyme originel.

Notice nécrologique parue dans Le Soleil
du 6 décembre 1940 au sujet du décès
de la première épouse de J.-Eugène Gaudin. 
Il y a toutefois une erreur : Georgianna 
Fortin était la mère de la défunte, dont le
nom est Marie-Anna Fortin.

Mention du second mariage de J.-Eugène Gaudin
dans Le Petit Journal du 22 février 1942.


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