dimanche 24 mars 2024

Lorsque je serai mort...

Albert Lozeau dans son fauteuil roulant, photographié par son ami le peintre et poète Charles Gill. 
(Source : La vie culturelle à Montréal vers 1900, Montréal, Fides, 2005).
 




   Lorsque je serai mort, ―puisqu'il nous faut mourir―,
   Mon âme reviendra sur la Terre souffrir 
   Avec vous, que l'exil ténébreux enlinceule, 
   Afin qu'en votre nuit vous ne soyez pas seule.
   
   J'ai trop souvent pleuré vos chagrins ici-bas
   Pour que de l'infini je ne descende pas
   Reprendre cette grave et fidèle habitude
   D'essuyer vos beaux yeux battus de lassitude.
 
   Vous ne sentirez rien de moi, que mon esprit
   Posant sur votre cœur longtemps endolori, 
   Comme un oiseau de paix ayant fermé ses ailes,
   La douceur qui lui vient des choses éternelles. 

   J'élirai ma demeure en vous ; nous serons deux
   Qui, par la même bouche et les mêmes yeux, 
   Demanderons l'oubli des maux de cette terre
   Et nous regarderons, muets, dans le mystère. 

   Plus qu'avant, nuit et jour, je vous assisterai.
   En m'éloignant, le temps n'aura pas séparé
   Mon âme de votre âme adorablement triste,
   Et vous sentirez mieux qu'en vous-même j'existe.

   Mais si la mort, heureuse aux souffrants, vous saisit, 
   De moi qui resterai souvenez-vous aussi !

                                       Albert Lozeau (1908)



Tiré de : Albert Lozeau, Poésies complètes, vol. 2, Montréal, 1925, p. 180-181. Le poème fut d'abord publié le 4 novembre 1908 dans le journal Le Canada



LA MORT D'ALBERT LOZEAU

     Hier, ma petite fille Laurette lut sur un Bulletin que Lozeau était très gravement malade ; elle me demande si ce ne serait pas Albert, mon ami. Je téléphonai à Henri Bertrand, lui demandant des nouvelles de Lozeau, en le priant de me rappeler au téléphone. Bertrand me rappelle une demi-heure plus tard, vers huit heures moins dix. La nouvelle était malheureusement vraie. 
     Je me rendis chez Bertrand, au 769a rue Marie-Anne ; nous revînmes chez Cloutier, beau-frère de Lozeau, chez qui se dernier se mourait, sans aucune connaissance depuis samedi à huit heures trente. Nous sommes donc arrivés chez Cloutier et Lozeau vers huit heures et vingt-cinq, hier soir, le 24 mars. Lozeau râlait un peu, soufflait fort, les yeux demi-clos, son souffle s'arrêtait par intervalle, c'était la congestion du cerveau et aussi des poumons. Silencieux une minute, il reprenait son souffle avec plus de force. J'ai compté neuf gros soupirs, ensuite intervalle de silence d'environ une minute, puis une reprise encore de sept autres gros souffles.
     Un de ses frères dit le chapelet, nous répondions tous, deux sœurs, une belle-sœur, son beau-frère Cloutier et ses deux frères ; madame Lozeau, la mère, était malade dans sa chambre. En terminant le chapelet, je dis à madame Cloutier que souvent l'air est très bon ; Lozeau respirait régulièrement, mais faiblement ; la fenêtre étant un peu ouverte, l'agonisant lança une couple de respirations plus fortes, puis en quelques secondes rendit l'âme en faisant un effort de la bouche, une contraction de la figure. Ce fut tout, le corps était chaud, fiévreux ; Cloutier lui joignit les mains et lui ferma les yeux, assisté de l'un des frères du mort. Nous pleurions, un peu tout le monde. 
     Bertrand et moi, une dizaine de minutes s'étant écoulées depuis la mort, nous offrîmes nos condoléances à toute la famille ; madame Lozeau étant dans sa chambre, nous ne l'avons pas dérangée. Je touchai en partant la main de mon ami mort, ami depuis vingt-trois ans révolus. 
     Lozeau meurt cinq ans et demi après Charles Gill. Que Dieu ait son âme ! 
     En sortant avec Bertrand, j'ai dit que, plutôt que de souffrir, la mort était une délivrance. 
     Il faisait beau temps. Bertrand vint me reconduire jusqu'à la rue Saint-André, en passant par la rue Marie-Anne. Je téléphonai la nouvelle à Mme Charles-Albert Milette, et je communiquai l'annonce de cette mort au journal Le Canada.
     Albert Lozeau est mort à l'âge de quarante-cinq ans et demi, à neuf heures et quart du soir, le 24 mars 1924. Il était né en juin 1878. 

Tiré de : Louis-Joseph Doucet, Prologues et pensées, Québec, Imp. Ernest Tremblay, 1927, p. 44-45. 


Poème en hommage à Albert Lozeau 
composé au lendemain de sa mort par
le poète montréalais William-A. Baker : 
 

Billet manuscrit écrit par Albert Lozeau et inséré dans un exemplaire de son 
recueil de poésies Lauriers et feuilles d'érable, paru en 1916. Le poète y 
exprime sa colère devant la persécution des Canadiens-français d'Ontario
qui sévissait alors avec l'imposition de l'infâme Règlement 17, qui 
restreignait les droits scolaires des Canadiens-français de cette province. 
Lozeau adresse son billet aux Canadiennes-françaises de la province d'Ontario, 
les femmes ayant alors été au coeur de cette lutte aussi âpre qu'épique.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'élargir)

Monument funéraire d'Albert Lozeau et de sa famille
au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal.

(Photos : Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'élargir)


Pour en savoir plus sur Albert Lozeau, cliquer sur cette 
illustration pour consulter le témoignage d'un contemporain :

dimanche 4 février 2024

Deux sonnets au cap Tourmente



(Chacun des deux sonnets qui suivent a pour titre : Le cap Tourmente)



Louis-Joseph Doucet (1874-1959)

(Source : Le Monument Crémazie,
Montréal, Beauchemin, 1906, p. 48)



           Or, un soir, par Champlain tu fus ainsi nommé, 
           Alors qu'il t'aperçut de loin dans la tourmente,
           Vieux cap dont le granit à la nuit se lamente
           Sous maint sapin pointu par le gel opprimé. 

           Ton profil s'assombrit quand la mer est méchante
           En brisant sa colère à ton flanc embrumé ; 
           Quand elle vient du large en délire rythmé
           Avec la grande voix du vent sud-est qui chante. 

           Et lorsque resplendit la gloire de l'aurore
           Couronnant ton sommet de ses rayons divins, 
           Ton cauchemar s'enfuit... mais tu songes encore,

           Et tes deuils mal guéris attristent tes matins ; 
           Car les tourments passés t'ont jeté leur empreinte : 
           Tu ressembles au cœur dont la foi s'est éteinte.

Tiré de : Louis-Joseph Doucet, Sur les remparts, Québec, 1911, p. 48.

Pour en savoir plus sur Louis-Joseph Doucet, voir la notice biographique et les documents présentés sous son poème Le brouillard s'est enfui (cliquer sur le titre).  


_______________________



Louis Fréchette (1839-1908)
à l'âge de vingt ans.

(Source :BANQ, détail d'une mosaïque)



           Robuste et largement appuyé sur sa base, 
           Le colosse trapu s'avance au sein des flots ;
           Sur son flanc tout couvert de pins et de bouleaux, 
           Un nuage s'étant comme un voile de gaze.

           Sur son vaste sommet, de merveilleux tableaux
           Se déroulent devant le regard en extase ;
           Et vous suivez des yeux chaque voile qui rase,
           Dix-huit cent pied sous vous, le fleuve aux verts îlots.

            Autrefois c'était là presque un pèlerinage.
            Un jour, il m'en souvient, écoliers en nage, 
            Nous gravîmes gaîment ses agrestes sentiers.

             Je crois revoir encor notre dîner sur l'herbe
             Qui tapisse ta croupe immense, ô mont superbe !
             Et je rêve à l'aspect de tes plateaux altiers.

Tiré de : Louis Fréchette, Les fleurs boréales, Paris, E. Rouveyre Éditeur, 1881, p. 191-192.

Pour en savoir plus sur Louis Fréchette, cliquer ICI.  


Pour une vidéo prise depuis la cime du 
cap Tourmente, cliquer sur cette image :



Photo du cap Tourmente prise en 1914 : 



Pour lire un récit captivant sur une ascension du 
cap Tourmente par les élèves du Petit séminaire
de Québec en 1867, cliquer sur cette image :



Pour découvrir un bref mais très beau texte sur l'un 
des aspects mythiques les plus évocateurs associés 
au cap Tourmente, cliquer sur cette image :


vendredi 4 août 2023

L'esquif

Denis Henri Senécal (1837-1869)

(Source : Musée McCord, qui lui attribue
erronément la fonction de « politicien »)




   C'était l'heure où la nuit, en fantôme muet, 
   Laissant tomber sa robe et flotter ses longs voiles,
   Enveloppe dans l'ombre onde, plaine et forêt
   Et fait briller bien haut sa couronne d'étoiles.

   J'avais rêvé longtemps au pied des arbres verts.
   Le silence régnait sur la rive isolée,
   Les oiseaux endormis suspendaient leurs concerts,
   La brise seulement, la brise parfumée,
   Dans les bois d'alentour doucement murmurait.
   Et le rapide flot, qu'un léger souffle ride, 
   Caressait le rivage et puis disparaissait,
   Reflétant mille feux dans son onde limpide. 

   C'est alors que dans l'ombre et sur l'aile du vent, 
   Une voix s'éleva, voix d'ange ou voix de femme. 
   Je regardai la rive et l'azur transparent,
   Puis j'écoutai, pensif et le trouble dans l'âme, 
   Ces sons mélodieux, cette suave voix 
   Qui s'élevaient le soir, sur l'onde calme et pure,
   Pareils aux chants trompeurs qu'Ondine quelquefois
   Module dans les airs quand la nuit est obscure. 

          « L'étoile d'or scintille aux cieux
          « Ô mon esquif, fends les flots bleus.
          « Cours, vole en ta fuite rapide,
          « Léger esquif, car c'est la nuit.
          « Vite, vogue, vogue sans bruit.
          « Oh ! glisse sur la plaine humide. 

          « Glisse, car il m'attend là-bas.
          « Oh ! glisse et ne balance pas
          « Ta blanche voile qui me guide,
          « Léger esquif, car c'est la nuit.
          « Vite, vogue, vogue sans bruit. 
          « Oh ! glisse sur la plaine humide ». 

   Ainsi disait la voix... L'esquif mystérieux,
   Comme une aile de cygne, effleura le rivage. 
   Dans le lointain, hélas ! je le suivis des yeux, 
   Mais je n'entendis plus que le bruit du feuillage.

   C'était l'heure où la nuit, en fantôme muet, 
   Laissant tomber sa robe et flotter ses longs voiles,
   Enveloppe dans l'ombre onde, plaine et forêt
   Et fait briller bien haut sa couronne d'étoiles.

                                 Denis Henri Senécal* (1864) 



Tiré de : Revue canadienne, juillet 1864, p. 412. 


*  Denis Henri Senécal est né à Montréal le 10 avril 1837, de Denis Senécal, marchand, et de Julie Viger. Après ses études classiques au Collège Sainte-Marie de Montréal, il fit son droit et fut admis au Barreau en 1858. 
  Il fit dès lors partie d'un grand mouvement littéraire ayant surgi à cette époque parmi la jeunesse catholique canadienne-française. Il fut notamment l'un des premiers membres du Cercle littéraire et y lut lors de séances publiques les fruits de ses divers travaux et recherches, particulièrement dans le domaine du droit. 
   Associé au sein de l'étude légale d'Antoine-Aimé Dorion et de Côme-Séraphin Cherrier, deux personnages politiques de premier plan dont le second deviendra son beau-père, il a publié dans divers périodiques des articles sur le droit et plusieurs poèmes. La musique et la poésie occupaient ses loisirs. Violoniste doué, il se produisit lors de soirées musicales publiques. Il est l'un des fondateurs de la Revue canadienne, l'un des premiers périodiques littéraires au Canada français et dont l'influence sera durable. Il a été dit qu'il avait « imprimé un élan remarquable à la littérature de cette époque et il y a pris une part distinguée qui en avait fait l'un des chefs les plus estimés ». Et aussi : « Il possédait un sentiment très vif des choses de l'art, du goût, de la mesure, du tact. Il écrivait sobrement, il disait bien. Les petits discours qu'il prononçait parfois dans les réunions littéraires sortaient de l'ordinaire et étaient toujours remarqués ». 
   Denis Henri Senécal est mort à Montréal le 10 octobre 1869, à l'âge de 32 ans et six mois. Il avait épousé Marie-Louise Cherrier le 27 septembre 1859. Il était également le cousin d'Eusèbe Senécal, important imprimeur de livres, de périodiques et de journaux.

(Sources : Revue canadienne, décembre 1869 ; L'Ordre, 12 octobre 1869 ; L'Événement, 12 octobre 1869 ; La Gazette de Sorel, 14 octobre 1869 ; Nos origines (où la date de naissance est erronée) ; Ancestry.ca).


Denis Henri Senécal à l'âge de 25 ans.

(Photo Studio Notman ; Musée McCord)


Denis Henri Senécal était aussi un violoniste talentueux. 
Il participait parfois à des concerts et soirées musicales,
dont celle-ci ayant eu lieu à Montréal en décembre 1863.
Cliquer sur le document ci-dessous pour l'élargir : 
(Source : L'Ordre, 10 décembre 1863)
 


Denis Henri Senécal a publié de nombreux textes sur
divers sujets dont le droit qui était sa profession. En 
cliquant sur la couverture ci-dessous de la Revue 
canadienne d'octobre 1868, on peut lire un article 
au contenu original qu'il y fit paraître et dont le titre
est : « Poésie du droit primitif ».



Suite à la mort prématurée de Denis Henri Sénécal, 
la Revue canadienne, dont il fut l'un des fondateurs, 
a fait paraître ce vibrant hommage à sa mémoire. 
(Cliquer sur l'article pour l'élargir) : 


L'Ordre, Montréal, 12 octobre 1869.

La partie difficilement lisible se lit comme
suit : «... il ne faisait de la musique que
pour l'art : ses goûts l'entraînèrent plutôt
à la profession d'avocat qu'il pratiqua
pendant dix ans »

L'Événement, Québec, 12 octobre 1869.

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)

La Gazette de Sorel, 13 octobre 1869.

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)

La Minerve, Montréal, 14 octobre 1869.

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)

Cette brève notice nécrologique parue le 14 octobre
1869 dans la Gazette de Joliette rappelle que Denis
Henri Senécal, qui est né le 10 avril 1837, est décédé
le 10 octobre 1869, ce qui lui faisait effectivement
trente-deux ans et six mois, jour pour jour.


Les rares publications qui mentionnent l'âge ou la date de
naissance de Denis Henri Senécal sont pour la plupart
erronées. Cet extrait du registre de la paroisse Notre-
Dame-de-Montréal prouve qu'il est né le 10 avril 1837.

(Source : Ancestry.ca ; cliquer sur le document pour l'élargir)

Marie-Louise Cherrier, veuve de Denis Henri 
Senécal, a survécu plus de 46 ans à la mort 
de son époux, tel qu'on le constate dans 
cette notice nécrologique parue dans 
Le Devoir du 15 janvier 1917.

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)


Découvrez plus de 300 poètes oubliés, tous issus du peuple
héritier de Nouvelle-France. C'est l'âme de toute une nation
que l'on retrouve dans ces pages qui, pour chaque poète, 
présente un poème, un portrait et une notice biographique. 
Cette œuvre n'a qu'un tirage limité et chaque volume, qui 
est riche d'informations inédites, est déjà considéré en tant
que pièce de collection à se transmettre entre générations.

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les couvertures ci-dessous :

jeudi 9 février 2023

Allons au Nord !

Trois couples sur le site des chutes de Shawinigan en 1893.

(Source : Le Monde illustré, Montréal, 23 septembre 1893)




   La brise du printemps apporte sur son aile
   Le parfum des vergers et les senteurs des bois ; 
   C'est la saison des fleurs, c'est la saison nouvelle
   Où tout vibre, renaît et s'émeut à la fois. 

   L'aubépine fleurit et l'agile hirondelle
   Poursuit dans le ciel bleu l'hanneton aux abois. 
   On dirait qu'il descend de la voûte éternelle
   Des arômes, des chants et d'invisibles voix. 

   Enfin ! Voici l'été où l'on émigre en foule
   Vers les bleus horizons, vers l'herbe que l'on foule.
   En songeant à l'hiver morose disparu.

   Amis, allons au Nord : plantons-y notre hutte,
   Et de Shawinigan allons voir la chute
   Si belle en son horreur qu'on reste confondu ! 

                          Charles-Arthur Gauvreau(1895)



Tiré de : Le Monde illustré, Montréal, 15 juin 1895.


Charles-Arthur Gauvreau est né à Saint-Jean-Baptiste de l’Isle-Verte le 29 septembre 1860, de Louis-N. Gauvreau, notaire et seigneur, et de Gracieuse Gauvreau. Il fit son cours classique au Séminaire de Rimouski, puis étudia le droit notarial à l’Université Laval de Québec.
   Admis à la profession de notaire le 9 octobre 1885, il ouvrit dès lors une étude à Rivière-du-Loup. En 1897, il fut élu député fédéral de Témiscouata et sera réélu six fois consécutives à ce poste qu’il conservera jusqu’à sa mort.
  De 1912 à 1922, il fut directeur-propriétaire du journal Le Saint-Laurent, de Rivière-du-Loup. Féru de lettres, il collabora à de nombreux périodiques et journaux, dont La Gazette des campagnes et Le Monde illustré, où il publiait des articles, poèmes et romans en feuilletons. Il a publié deux romans, Les épreuves d'un orphelin (1881) et Captive et bourreau (1882). Il s'intéressa par la suite à l'histoire régionale et publiera deux monographies, L'Isle-Verte (1889) et Trois-Pistoles (1891), puis Au bord du Saint-Laurent : histoires et légendes (1923).
   Charles-Arthur Gauvreau est mort le 9 octobre 1924 à Rivière-du-Loup, où il avait épousé Gertrude Gauthier, fille adoptive de Wilfrid Laurier, le 7 septembre 1887. Il était l’oncle d’Hector Séguin (cliquer sur son nom), jeune poète mort noyé à 1'âge de 17 ans le 12 juillet 1898, alors qu'il se trouvait à la maison de vacances de Charles-Arthur Gauvreau à Stanfold (aujourd'hui Princeville), dans les Bois-Francs. 
(Sources : Patrimoine culturel du Québec ; Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, Fides, 1980, p. 218).


Charles-Arthur Gauvreau (1860-1924)

(Source : BANQ)

En 1889, Charles-Arthur Gauvreau a publié une
monographie sur son coin de pays natal, L'Isle-Verte,
dont voici un exemplaire dédicacé de sa main.


(Collection Daniel Laprès)


Cliquer sur cette image pour visionner
une vidéo de la chute de Shawinigan
tournée le 8 mai 2022 : 



Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
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tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
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ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
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mercredi 25 janvier 2023

Saint-Jean-Port-Joli

Vue de Saint-Jean-Port-Joli en 1900. 

(Source : Musée de la civilisation du Québec / Fonds d'Archives du
Séminaire de Québec
. Cliquer sur l'image pour l'élargir)




   Ô Saint-Jean-Port-Joli, que j'aime sur ta rive,
   Qu'un vieux fleuve amoureux baise en la caressant,
   Dans la fraîcheur du soir, cheminer, écoutant
   Du Saint-Laurent la voix monotone et plaintive...
   Et quand la lune argente en souriant ses flots,
   Il monte dans la nuit une chanson craintive,
   Douce comme un soupir se plaignant aux échos. 

   Quand les chanteurs des bois sérénadent l'aurore,
   Que la sonore voix du vieux clocher béni
   Égrène son appel dans l'air tout réjoui
   Conviant le chrétien vers le Dieu qu'il adore...
   Un charme inoubliable imprègne tes matins,
   Tes matins parfumés qu'un joyeux soleil dore,
   Ô Saint-Jean-Port-Joli, paradis canadien.

   Le grain rapportera, car déjà dans la plaine
   Montent les verts épis prometteurs des moissons ;
   Heureux, le laboureur fredonne les chansons
   Et bénit l'Éternel en son âme sereine.
   Il a peiné bien fort, en rude travailleur...
   Pour sa peine, demain, la grange sera pleine.
   Ô Saint-Jean-Port-Joli, tes enfants ont de l'heur !

   C'est veille du repos, vite, on pend les faucilles ;
   Après messe, demain, par essaims tout joyeux,
   Les jeunesses iront dans les grands bois ombreux
   Cueillir les fraises et conter fleurette aux filles.
   Ô Saint-Jean-Port-Joli, c'est l'espoir de demain,
   Ces gars à l'œil hardi, ces fillettes gentilles...
   Et l'amour, sous ton ciel, ne connaît nul chagrin.

                               Jean-Eugène Marsouin* (1911)



Tiré de : Jean-Eugène Marsouin, Rimes de chez nous, Montréal, Imprimerie parisienne, 1911, p. 26-27. 


   * Joseph-Eugène Godin, dont l’un des noms de plume est Jean-Eugène Marsouin et qui, ayant modifié l’orthographe de son patronyme, était connu sous le nom de J.-Eugène Gaudin, est né à Montréal le 27 ami 1878, de Francis Benjamin Godin, huissier, et d’Aloïsia Quenneville.
      Son parcours scolaire primaire et secondaire reste inconnu. Après avoir effectué des études à l’Université McGill, il partit pour le Conservatoire de Boston, où il obtint un diplôme en prosodie musicale.
    De retour au pays, il composa de nombreux poèmes qu’il publiait parfois dans divers journaux et périodiques, dont La Presse. En 1911, il publia un petit recueil, Rimes de chez nous, sous son pseudonyme de « Jean-Eugène Marsouin ». Sous son second nom de plume de « Bernard Chat », il publia sous forme de brochure divers poèmes, dont : J’ai de l’or : conte druidique moderne (1944 ; cliquer sur le titre). Toujours sous son pseudonyme de « Bernard Chat », il conçut un deuxième recueil, La Lyre savante (1943). On trouve parmi ses autres œuvres : Quand un mouton se fait bélier ; Pitié sur les berceaux : essai de sociologie contemporaine ; Les sept paroles du Christ. On lui connaît diverses chansons, dont Un cri populaire : chanson typique montréalaise (cliquer sur le titre).
      Dans les années 1920, alors que les cercles littéraires florissaient à Montréal, il était connu comme l’une des figures les plus populaires parmi les amateurs de poésie et de musique. Le 20 mai 1930, il donna, en la salle de l'hôtel Viger de Montréal, une première audition de deux de ses pièces inédites en vers et en prose, Ah les hommes ! et Sonnet expliqué. La même année, il fonda le Salon littéraire de Montréal, puis, en 1937, le Cercle social Buies-Drummond, lequel tenait aussi diverses activités littéraires et artistiques. Il finança quelques prix de poésie et participa à divers récitals et spectacles littéraires et musicaux, dont un très couru « Gala du rire » en février 1939 en compagnie de divers gens de lettres dont Émile Coderre dit « Jean Narrache » (cliquer sur le nom).
    Membre de l’Académie royale de musique de Londres, il avait des liens d’amitié avec Ignacy Paderewski (1860-1941), compositeur et pianiste de renommée mondiale, et Emiliano Renaud (1875-1932), compositeur et premier pianiste virtuose canadien-français (cliquer sur les noms).
      Il gagna sa vie en tenant un petit atelier d’imprimeur, rue Berri à Montréal, d’où le surnom de  « poète-imprimeur » qui lui fut accolé. 
    J.-Eugène Gaudin est mort à Montréal le 5 septembre 1946. Il avait épousé en première noces, le 16 juin 1909 à Saint-Jean-Port-Joli, Marie-Anna Fortin, dont il devint veuf en décembre 1940. En février 1942, il épousa en secondes noces Élisabeth Bélanger, vraisemblablement à Lewiston (Maine).

(Sources : Registres des paroisses du Sacré-Cœur de Montréal (27 mai 1878) et de Saint-Jean-Port-Joli (16 juin 1909) ; Georges Bellerive, Nos auteurs dramatiques anciens et contemporains, Québec, 1933, p. 123 ; Dictionnaire des poètes d’ici de 1606 à nos jours, Montréal, Guérin, 2005, p. 580 ; Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 3, Montréal, Fides, 1982, p. 592 ; La Patrie, 27 septembre 1930 ; Le Devoir, 6 décembre 1940 et 7 septembre 1946 ; Le Petit Journal, 22 février 1942 ; Le Quartier latin, 25 février 1944 ; La Presse, 7 septembre 1946 ; Le Passe-Temps, septembre 1946. La notice biographique ci-haut est la première à être publiée et qui permette, suite à nos recherches, de connaître notamment les données de la naissance de J.-Eugène Gaudin, de même que les grandes lignes de sa vie).



J.-Eugène Gaudin (né Godin)
(1878-1946)
Il écrivait souvent sous des noms de plume,
dont les plus connus sont « Jean-Eugène
Marsouin
» et « Bernard Chat ».

Le poème ci-haut dédié à Saint-Jean-Port-Joli
est tiré du recueil Rimes de chez nous, de
J.-Eugène Gaudin alias Jean-Eugène Marsouin.
Il s'agit du village d'où origine son épouse.

Portrait de J.-Eugène Gaudin, alias
Jean-Eugène Marsouin, dans son
recueil Rime de chez nous (1911), 
réalisé par Alfred Faniel (cliquer
sur son nom).

J.-Eugène Gaudin en 1901, âgé de 23 ans.

(Source : BANQ)

Article paru dans La Patrie du 14 juin 1930 sur le Salon littéraire de
Montréal, dont J.-Eugène Gaudin fut le fondateur et président. 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Article de La Patrie du 27 septembre 1930 en appui au
Salon littéraire de Montréal, fondé par J.-Eugène Gaudin.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Cette annonce parue dans La Patrie du 31 décembre 1930
révèle l'adresse de la résidence et du petit atelier d'imprimeur
de J.-Eugène Gaudin, soit le 2044-48 rue Berri, à Montréal. Tout
ce milieu de vie a été ravagé par l'enlaidissement tout à fait
typique du modernisme : cliquer ICI pour voir ce qui est
devenu sans doute l'une des plus laides perspectives
urbaines d'Amérique du Nord.

Article paru dans L'Illustration nouvelle du 15 février 1939 au sujet d'un « Gala
du rire » auquel ont pris part J.-Eugène Gaudin et de nombreux autres artistes
et écrivains dont Émile Coderre alias « Jean Narrache ». 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Il arrivait à J.-Eugène Gaudin de financer des prix de poésie,
 comme en fait foi cette annonce parue dans le journal Le
Quartier latin
du 25 février 1944.La mention « régionalisme
interdit » est toutefois un peu curieuse... 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'annonce pour l'élargir)

Cet article paru dans La Patrie du 9 septembre 1944 relate ce qui est
probablement la dernière entrevue accordée par J.-Eugene Gaudin,
qui est décédé deux ans plus tard presque jour pour jour.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

Cette photo accompagne l'article présenté ci-haut et paru dans La Patrie du 9 septembre 1944.

La Presse, 7 septembre 1946.

Le Passe-Temps, septembre 1946.

Le Devoir, 7 septembre 1946.


J.-Eugène Gaudin est mentionné dans de rares
manuels de l'histoire littéraire du Québec, mais 
aucun d'entre eux ne présente d'informations 
précises sur sa vie. Par exemple sa date et son 
lieu de naissance étaient jusqu'à présent inconnus.
Cette lacune est maintenant corrigée, comme 
l'attestent les deux documents qui suivent et
que nous venons de retracer après de longues
et tenaces recherches dans les archives
(voyez les légendes explicatives sous les 
documents ) :

Extrait du registre de la paroisse Sacré-Coeur-de-Jésus, à Montréal,
27 mai 1878. On y constate que le patronyme était à l'origine « Godin »,
que J.-Eugène modifiera, au moins publiquement, pour en faire « Gaudin ». 

Extrait du registre de la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli, 
16 juin 1909. On y constate que même à 31 ans, à 
l'occasion de son mariage, J.-Eugène signait « Godin » 
conformément au patronyme de sa naissance. Il est 
probable que pour les éléments privés de sa vie il 
ait conservé son patronyme originel.

Notice nécrologique parue dans Le Soleil
du 6 décembre 1940 au sujet du décès
de la première épouse de J.-Eugène Gaudin. 
Il y a toutefois une erreur : Georgianna 
Fortin était la mère de la défunte, dont le
nom est Marie-Anna Fortin.

Mention du second mariage de J.-Eugène Gaudin
dans Le Petit Journal du 22 février 1942.


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