mardi 30 mars 2021

Le Temps

Henri-Myriel Gendreau (1903-1980)

(Source : Mon Magazine, avril 1928)




   Emportant nos soupirs sur leurs ailes légères,
   Semant leurs souvenirs aux choses passagères,
   Aux feuilles de l'automne, aux roses du printemps,
   Dispersant tour à tour nos pensées et nos rêves,
   Secouant à nos yeux nos illusions brèves,
                 Rapides passent les instants. 

   Tous ouverts d'une aurore et clos d'un crépuscule,
   Pas empressés du temps qui sans cesse recule,
   De joie ou de douleur, sombres ou lumineux,
   Un par un s'enfuyant vers la brume lointaine,
   Nos jours dont la mesure est pour tous incertaine
                 Passent d'un vol impétueux. 
 
   Et l'on voit en tremblant la fuite des années
   Ravissant aux mortels leurs frêles destinées,
   Avec des fleurs parfois, jonchant nos tristes cœurs
   De souvenirs flétris par le vent de l'orage,
   De reflets pâlissants, des restes d'une image
                 Et des débris de nos bonheurs.

   Depuis la création de ce monde débile,
   Des fleuves et des mers suivant le cours mobile,
   Voyant de toutes parts les empires crouler,
   Les peuples disparaître au milieu de la guerre,
   Et changer lentement la face de la terre,
                 Tels les siècles de s'écouler. 

   Le temps n'arrête pas sa course dévorante, 
   Ainsi l'humanité s'en va toujours mourante ;
   Tout passe, tout périt, rien n'est stable ici-bas.
   Mais Toi, l'Ancien des Temps, debout sur nos ruines,
   Immuable, éternel en Tes forces divines,
                 Toi seul Tu ne passeras pas. 

   Des siècles endormis précédant la naissance,
   À jamais sans déclin règnera Ta puissance ;
   Mon âme avec transport exalte Ta splendeur
   Lorsqu'à mes yeux la légion des astres
   Et les cieux trembleront sous les derniers désastres,
                 Toi seul tu brilleras, Seigneur. 

   Tu prévis le passé, le sort des créatures, 
   Étreins dans un regard toutes marches futures ;
   La tempête et l'éclair suivent Ta volonté ;
   L'univers T'est connu dans ses replis intimes ;
   Et Toi seul, ô mon Dieu, peux sonder les abîmes
                 Du Temps et de l'Éternité.

                              Henri-Myriel Gendreau (1922)



Tiré de : Henri-Myriel Gendreau, La belle au bois chantant, Beauceville, Imprimerie de l'Éclaireur, 1927, p. 64-65.

Pour en savoir plus sur Henri-Myriel Gendreau, voyez la notice biographique et les documents sous son poème La barque des vingt ans

D'Henri-Myriel Gendreau, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté L'hécatombe de Sainte-Marie-de-Beauce, qui connut un important succès populaire et fut mis en musique.


La belle au bois chantant, recueil d'Henri-
Myriel Gendreau d'où est tiré le poème
Le Temps, présenté ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Dans son recueil La belle au bois chantant, Henri-Myriel Gendreau dédie l'un
de ses poèmes aux héros de l'aviation Charles Nungesser (1892-1927),
que l'on voit sur la photo ci-dessus près de son appareil, et François Coli
(1881-1927), disparus ensemble alors qu'ils tentaient la traversée de
l'Atlantique avec leur avion L'Oiseau blanc. Deux semaines après cette
tragédie, Charles Lindbergh réussira la première traversée aérienne de
l'Atlantique avec son avion le Spirit of Saint-Louis.

Critique par Alphonse Désilets du recueil La Belle
au bois chantant
, d'Henri-Myriel Gendreau, dans
Le Peuple du 20 janvier 1928.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


En mars 1953, Henri-Myriel Gendreau accorda 
une entrevue au journal L'Autorité du peuple,
 de Beauceville, que l'on peut consulter
en cliquant sur l'illustration suivante : 


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héritier de Nouvelle-France, avec pour chacun un poème, une 
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samedi 27 mars 2021

Vesprée

Joseph-Arthur Smith (1869-1960)

(Source : Anthologie de la littérature
franco-américaine de la Nouvelle-
Angleterre
, tome 3)




   L'ombre s'épaissit dans les champs,
   Sur les eaux, dans la forêt vierge ;
   Le fleuve qui berce a des chants
   Rythmés sur le bord de la berge.

   Le dernier rayon du jour meurt ;
   Les vents calmes fleurent la rose ;
   On sent comme un charme endormeur
   Qui nous pénètre et nous repose.

   Et les couples sous les tilleuls
   Ne songent pas, troupe légère,
   Qu'on a tissé de blancs linceuls,
   Qu'on a creusé des trous en terre,

   Que les sept glaives des douleurs
   Percent toujours des cœurs qui saignent ;
   Que bien des yeux versent des pleurs,
   Que beaucoup souffrent et se plaignent.

   Non... Par ce soir napolitain,
   Sous les effluves vespérales,
   Continuez, main dans la main, 
   À boire aux coupes idéales,

   Car dans ces milliers de saphirs
   Que l'infini vous poudroie, 
   Dans les cantates des zéphyrs, 
   Dans les flots murmurant de joie,

   Dans cette vive éclosion
   De tendresse et de paix nocturnes,
   C'est l'oubli, c'est l'illusion,
   Que la Nuit verse de ses urnes.

                  Joseph-Arthur Smith* (1892)



Tiré de : Anthologie de la littérature franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, tome 3, Bedford (New Hampshire), National Materials Development Center for French, 1980, p. 46-47. Le poème est originellement paru le 15 septembre 1892 dans le journal L'Étoile de Lowell (Massachusetts).

De Joseph-Arthur Smith, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Souvenirs d'une Saint-Jean-Baptiste.

* Joseph-Louis-Arthur Smith est né le 13 octobre 1869 à Saint-Zéphirin-de-Courval, comté de Nicolet, de Wenceslas Smith, médecin, et de Zénobie Lavallée. Ses études terminées, il émigra en 1891 à Lowell (Massachusetts), où il devint rédacteur du journal L'Étoile.
   En 1900, il retourna à Nicolet pour y fonder un journal hebdomadaire, Le Progrès. Deux ans plus tard, il déménagea le journal à Montréal, où il en continua la publication durant deux ans. En mars 1904, il participa, avec Olivar Asselin et Jules Fournier, à la fondation du journal Le Nationaliste.
  En 1905, il quitta Montréal et se rendit de nouveau à Lowell où l'attendait le poste de rédacteur en chef du journal L'Étoile. Il occupa cette fonction jusqu'en 1921, alors qu'il accepta la rédaction de L'Indépendant, de New Bedford
   En 1924, il acheta le journal La Liberté, de Fitchburg, mais il le revendit peu après pour aller s'établir à Salem. Propriétaire de la New England Publishing Company et toujours entreprenant, il publia le 24 juin 1927 le premier numéro du Journal de Lawrence, un hebdomadaire. En avril 1928, il déménagea à Haverhill, où il fonda un autre hebdomadaire de langue française également nommé Journal, dont il maintint la publication jusqu'en 1955, alors que l'âge et la maladie l'appelèrent à la retraite. Il devint dès lors le doyen des journalistes franco-américains.
   Il fut l'auteur de nombreux poèmes dans divers journaux et périodiques, de même que de diverses chansons populaires écrites à la demande des maisons d'éditions musicales Octave Champagne et E. L. Turcot, de Lowell. 
  Joseph-Arthur Smith est mort à Haverhill le 21 janvier 1960. Il était l'époux de Marie Rouillard et le frère de l'organiste et compositeur de musique Alphonse Lavallée-Smith. Sa mère, Zénobie Lavallée, était la cousine du musicien et compositeur Calixa Lavallée

Le poème Souvenirs d'une Saint-Jean-Baptiste,
ci-haut, est tiré du troisième tome de l'Anthologie
de la littérature française de Nouvelle-Angleterre
.

Mention de Joseph-Arthur Smith dans la rubrique "La vie franco-américaine"
de l'édition 1956 du Bulletin de la Société historique franco-américaine

(À noter que la date de naissance de Smith y est erronée. Il est né en 1869
et non 1878)


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mercredi 24 mars 2021

Souvenirs du printemps

Anna-Marie Duval-Thibault (1862-1958)

(Source : Alexandre Bélisle, Histoire de la presse
franco-américaine
, Worcester (Massachusetts),
Ateliers de L'Opinion publique, 1911)




   Le ciel était d'un bleu superbe ;
   Mai rendait la verdure aux champs ;
   Sous le doux soleil du printemps,
   Nous marchions, vous et moi, sur l'herbe.

   Ah ! je me le rappelle encore
   Ce jour radieux, où la vie
   Semblait à mon âme ravie
   Comme un beau tissu de jours d'or.

   Pour vous mon ardente prière
   Vers Dieu s'élevait chaque jour.
   Je vous aimais d'un pur amour ;
   Vous remplissiez mon âme entière.

   L'amour était un sentiment
   Nouveau pour moi ; mais sans alarme
   Je me livrais à son doux charme,
   Ne regardant que le présent.

   Ah ! quand on est jeune et qu'on aime,
   On a l'espérance et la foi.
   Vous n'étiez qu'un ami pour moi,
   Et j'étais heureuse, quand même.

   Mais, hélas ! les jours de bonheur,
   Comme le printemps, passent vite,
   Et ne nous laissent, dans leur fuite,
   Qu'un éternel regret au cœur. 

   Aujourd'hui, de sombres nuages
   L'azur du ciel est recouvert,
   Et le vent glacé de l'hiver
   Mugit dans les tristes bocages.

   La neige étend ses voiles blancs
   Au loin, hélas ! dans la prairie,
   Jadis si verte et si fleurie
   Sous les chauds rayons du printemps.

   Hiver de mon âme assombrie,
   Le désenchantement cruel
   Flétrit de son souffle mortel
   L'espoir qui ranimait ma vie. 

           Anna-Marie Duval-Thibault* (février 1886)



Tiré de : Anna-Marie Duval-Thibault, Fleurs du printemps, Fall River (Massachusetts), Société de publication de L'Indépendant, 1892, p. 45-47.

D'Anna-Marie Duval-Thibault, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Le ruisseau qui murmure ; Les marches naturelles de la rivière Montmorency ; La fauvette ; Trèfle rouge et trèfle blanc ; Le Nouvel An.


* Anna-Marie Duval est née à Montréal le 15 juillet 1862. Son père était originaire des Cantons-de-l'Est. Trois ans plus tard, en 1865, ses parents émigrèrent à Troy, dans l'état de New York. En 1877, la famille s'établit dans la ville de New York.
    Après son cours secondaire, elle entra au New York Normal College (aujourd'hui Hunter College), une institution d'enseignement particulièrement attachée à l'égalité raciale et à l'avancement des femmes, dont elle reçut son diplôme d'études supérieures. C'est à ce collège qu'elle devint amoureuse d'un jeune Américain au nom inconnu qui mourut peu après leurs fiançailles, un événement tragique qui la plongea dans un état de désespoir.
    Elle se réfugia à Québec où elle se remit suffisamment de son chagrin pour publier quelques poèmes dans le journal L'Indépendant, de Fall River au Massachussetts, où elle alla vivre vers 1887. Elle collabora dès lors de façon régulière à L'Indépendant, l'un des plus importants journaux franco-américains de la Nouvelle-Angleterre. Le 10 septembre 1888, elle épousa l'administrateur et plus tard propriétaire du journal, Onésime Thibault.
    En 1920, son mari ayant vendu ses parts dans le journal, la famille alla s'établir à San Diego, en Californie. Anna Duval-Thibault avait donné naissance à huit enfants, dont trois se rendirent à leur majorité.
    Elle publia en 1888 un roman, Les deux testaments ; Esquisse de moeurs canadiennes, paru d'abord en feuilleton dans L'Indépendant puis en volume à Fall River. En 1892, elle publia un recueil de poésies, Fleurs du printemps, devenant ainsi la première femme en Amérique à publier un recueil de poésies en langue française. Elle est également la première femme canadienne-française à publier un livre sous son nom authentique et non sous un pseudonyme.
   Anna-Marie Duval-Thibault est morte à San Diego (Californie) le 23 octobre 1958, à l'âge de 96 ans.
(Sources : Dictionnaire des auteurs franco-américains de langue française, Institut français, Assumption College, Worcester (Massachusetts) ; Paul P. Chassé, Anthologie de la poésie franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, The Rhode Island Bicentennial Commission, 1976, p. 17 ; Anthologie de la littérature franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, tome 2, Bedford (New Hampshire), National Materials Development Center for French, 1980, p. 94 ; Alexandre Bélisle, Histoire de la presse franco-américaine, Worcester (Massachusetts), 1911, p. 337 ; Bulletin de la Société historique franco-américaine, 1967).

Pour en savoir plus sur Anna-Marie Duval Thibault, voyez également les pièces du dossier présenté sous son poème Le ruisseau qui murmure.


Le poème Souvenirs du printemps, ci-haut,
est tiré de Fleurs du printemps, recueil
d'Anna-Marie Duval-Thibault. Cliquer 
ICI pour en télécharger un exemplaire.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Anna-Marie Duval-Thibault

(Source : Magazine Le coin du feu, février 1893)


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dimanche 21 mars 2021

Printemps

Charles-E. Harpe (1908-1952)

(Courtoisie Gaston Deschênes)




       Le Printemps naît,
       Et tout renaît
       Dans la nature ;
       Les bois, les prés
       Sont diaprés,
       L'onde murmure !

       Arbres et fleurs, 
       Riches couleurs...
       Les pâquerettes
       Et les lilas 
       Jonchent les pas
       Des bergerettes. 

       Douces chansons
       De nos buissons,
       Voix d'hirondelle
       En oraison,
       Le gai pinson 
       Rôde autour d'elle.

       Quand tu reviens
       Je me souviens 
       De mon enfance,
       Où je courais
       Près des marais
       Sans vigilance.

       Où je cueillais
       De beaux œillets
       Ceints de fougères,
       Cheveux au vent,
       Pieds nus, souvent
       Sur les bruyères.

       C'était aux jours 
       De mes amours 
       Avec les bêtes !
       Vaches, moutons,
       Gorets gloutons
       Aux roses têtes !

       J'aimais surtout
       Par-dessus tout
       La jument blanche,
       Que j'étrillais
       Et toilettais 
       Pour le dimanche. 

       Ce temps heureux
       Est déjà vieux ;
       Tout fuit, tout change...
       Je ne suis plus,
       Non, vraiment plus,
       Un petit ange. 

       Printemps joyeux,
       C'est dans tes yeux
       Que le poète,
       Avec amour,
       Lira toujours
       Son épithète ! 

       Chante, Printemps !
       Fleurit le temps
       De ma jeunesse.
       Verse en mon cœur
       Un peu d'ardeur, 
       Un peu d'ivresse ! 

            Charles-E. Harpe (1930)



Tiré de :  "La vie canadienne", supplément littéraire au "Roman canadien", Montréal, Éditions Édouard Garand, juin 1930, p. 52. 

Pour en savoir plus sur Charles-E. Harpe, voyez les dossiers présentés sous ses poèmes : Été du ciel de mon enfance ; Voix de la solitude ; Le plus bel hymne à l'orgue des vivants ; Guirlande aux éprouvés ; L'escale ; Claire de lune ; Chanson d'automne

Voyez également ce dossier richement documenté
présenté par les Glanures historiques québécoises 
en cliquant sur cette image :


Cet extrait d'un article paru dans le 
magazine Radiomonde du 28 avril
1952 nous apprend que l'année avant
sa mort, Charles-E. Harpe a pu faire 
un long voyage en Europe, le premier
et le dernier de sa vie. L'article fait
également mention de Félix Leclerc. 

(Source : BANQ ; cliquer
sur l'image pour l'agrandir)

Cet extrait d'un article du magazine Radiomonde du 7 juin 1952
annonce l'élection de Charles-E. Harpe à la présidence de la
Société des poètes canadiens-français. Moins de deux mois
plus tard, Charles-E. Harpe mourait d'une crise cardiaque.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Cette photo publiée dans Le Soleil du 2 août 1952 montre
Charles-E. Harpe moins de cinq minutes avant la crise
cardiaque fatale qui l'emportera.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Petit Journal (Montréal), 10 août 1952.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Témoignage d'Eddy Boudreau, de la Société des écrivains canadiens-français, en
hommage à Charles-E. Harpe dans le journal L'Action catholique du 12 août 1952.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La Gazette des campagnes, 31 juillet 1952.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Extrait d'une rubrique du magazine Radiomonde du
25 juillet 1953, pour rendre hommage à la mémoire 
de Charles-E. Harpe un an après son décès.

(Source : BANQ ; cliquer sur
l'image pour l'agrandir)

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de Nouvelle-France, avec pour chacun un poème, une notice 
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vendredi 19 mars 2021

Rêverie : « Le pré »

Willie Proulx (1907-1958)

(Source : Biographies canadiennes-
françaises
, édition de 1933)




   Qui dont guide mes pas dans ce pré de silence ?
   Je suis comme le flot que le vent pousse au port,
   Est-ce ton souvenir, ô temps de mon enfance ?
   J'éprouve ce regret d'un vivant pour un mort. 

   Et je me sens poussé comme lui vers la tombe
   De ce qui dans la vie a parfumé mes jours
   Et qui, dans ce bas-monde où tout tombe et retombe,
   A subi de la loi l'inévitable cours.

   Car peut-on retarder d'une seule journée
   La course de cet astre où gravitent nos ans ?
   Non, non, Dieu l'a voulu, notre vie est bornée ;
                       La tienne même, ô Temps !

   Ici même, en ce pré, j'ai goûté l'innocence 
   Qui lève sur l'enfant son aile de beauté,
   J'ai goûté la candeur dont la sublime essence
   Est faite d'un azur pétri de pureté.

   Et le front d'un enfant que la candeur décore
   N'a-t-il pas plus d'éclat que le lis glorieux ?
   Et toi, pâle ruisseau qui reflète l'aurore,
   Ton cristal est moins pur que l'iris de ses yeux.

   À peine ai-je effleuré le monde de mon aile
   Que je reviens vers toi comme l'oiseau lassé ;
   Peux-tu donner au cœur qui veut rester fidèle
                       Le calme du passé ?

   Car ce cœur inquiet que t'amène mon âme,
   Depuis qu'il t'a quitté, n'a cessé de pleurer,
   De pleurer son enfance, et sa mourante flamme
   Ne sait plus que gémir, et le fait soupirer.

   Je fleuris mon printemps, eh bien ! pourtant je pleure
   Tant est vrai que sur terre on ne peut que souffrir ;
   À peine ai-je vingt ans, mais tout ce que  j'effleure,
   Lilas, roses, gaité, tout ne sait que mourir.

   Mais moi, je ne veux pas briser déjà ma lyre ;
   Je veux chanter encore et ravaler ces pleurs : 
   Ô pré, dis-moi ce chant que l'hirondeau soupire
                       Quand il rase tes fleurs.

   J'écoute... et dans le vent qui murmure sa plainte
   Sur la feuille du chêne et le frêle roseau,
   J'entends le bruit confus d'une voix presqu'éteinte : 
   On dirait le frisson de l'aile d'un oiseau.

   J'écoute... et dans la plaine un doux concert s'élève : 
   C'est un frémissement qui court dans les buissons,
   C'est l'herbe qui soupire et le ruisseau qui rêve,
   C'est un bruissement de multiples chansons. 

   Ô doux pré, c'est bien toi qui chante en la verdure,
   Cette herbe, ce ruisseau, ce zéphyr, et ces voix,
   Tout est comme jadis en ce coin de nature,
                       Tout est comme autrefois.

   Autrefois, autrefois, oh ! ce mot de mystère
   Qui réveille un passé dormant au fond du cœur,
   Peut-on le prononcer sur cette pauvre terre
   Sans savourer encore un peu du vieux bonheur...

   Autrefois j'ai couru sur cette herbe fleurie,
   Et dans ces riches blés qui dorent l'horizon,
   Autrefois j'ai chassé par la verte prairie 
   Cette agile hirondelle et ce blanc papillon.

   Autrefois j'ai rêvé près des flots de cette onde,
   J'ai rêvé de grandeur et d'immortalité ! 
   Ce rêve s'est brisé quand j'ai connu le monde : 
                       Le monde est vanité ! 

   Hélas ! ce que je cherche, et que tout homme rêve,
   Disparaît chaque jour au loin devant mes pas,
   Mirage du désert où tout sombre et s'achève,
   Ce bonheur qu'on désire, ici ne dure pas. 

   Et je reviens à toi, doux pré de mon enfance,
   Comme on revient souvent au foyer paternel ;
   Peut-être en ce ruisseau coule un flot d'espérance
   Qui roule le secret d'un bonheur éternel. 

   Et longtemps, bien longtemps, le flot passe en cadence,
   Il dit au souvenir : « Efface la douleur » ; 
   « Efface le désir », me dit la souvenance,
                       « C'est là le vrai bonheur ! »

                                          Willie Proulx(1927)



Tiré de : Willie Proulx, Mélodies poétiques, Montréal, Éditions Édouard Garand, 1927, p. 30-33. 

De Willie Proulx, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté Nocturne fantaisiste et Pleurs d'automne.

* Né le 18 avril 1907 à Springfield, au Massachusetts, William (Willie) Proulx était le fils de Ulric Proulx et de Cécile Saint-Jean. La famille vint s'installer à Lachine, sur l'île de Montréal, alors qu'il n'avait que deux ou trois ans. Il suivit les classes de l'école primaire de Lachine, puis fit ses humanités au Séminaire de Sainte-Thérèse et sa philosophie au Collège Sainte-Marie de Montréal. En 1927, il s'inscrivit à la faculté de droit de l’Université de Montréal.
    La même année, il remporta le premier prix du concours de philosophie des collèges classiques du Québec et il publia un recueil de poésies­, Mélodies poétique­s. En 1929, il remporta le championnat oratoire de l'Université de Montréal. Il s'intéressa aussi à la politique en tant que membre du parti conservateur, pour lequel il prononça de nombreux discours.
    Admis au Barreau en 1930, il débuta sa carrière juridique de criminaliste au cabinet de Lucien Gendron (qui devint juge de la Cour des sessions de la paix), Philippe Monette et J. R. Gauthier. Il fonda plus tard un cabinet avec Louis-Philippe Larivière et son beau-frère, Paul Robitaille (qui devint juge à la Cour provinciale). Membre à vie de l’Association de bienfaisance des avocats de Montréal, il a été nommé juge de la Cour des sessions de la paix, le 1er février 1950, devenant à l'époque le plus jeune juriste à avoir été assermenté à cette fonction.
    Willie Proulx avait épousé, le 21 novembre 1931, Marguerite Lapointe. Il est décédé le 19 mai 1958 à Montréal, d'une thrombose cérébrale, à l’âge de 51 ans.
(Sources : Biographies canadiennes-françaises, Montréal, 1933, p. 126 ; Les cours de justice et la magistrature du Québec, Gouvernement du Québec, 1999).

Dans son introduction à Mélodies poétiques, Willie Proulx a notamment écrit ce qui suit ; rappelons-nous que l'auteur n'avait que vingt ans alors qu'il publiait ces lignes qui, après plus de 90 ans, n'ont rien perdu de leur actualité : 

    « Dans notre siècle de vie trépidante on ne lit plus les poètes, et leurs bouquins s'en vont rêver dans la poussière des tablettes et de l'oubli. Heureux sont ceux qui parviennent à se faire lire en se glissant dans les pages de magazines ou de revues, et encore sont-ils pourchassés dans ce dernier cantonnement par l'annonce moderne qui trône sur la saine littérature terrassée.
    Sans doute, plusieurs causes expliquent qu'on ne lise plus ou qu'on lise moins ; sans doute la jeunesse de certains auteurs fait sourire les sceptiques comme si l'on déniait aux jeunes le droit et la capacité de sentir et d'extérioriser leurs sentiments ; sans doute, la valeur des poètes modernes est discutable, puisque les grands maîtres sont passés moissonnant les gerbes les plus fécondes, épuisant les plus beaux sujets d'inspiration, et gravissant des hauteurs presqu'inaccessibles à qui n'a leur génie ; sans doute, il ne reste qu'un champ restreint pour les pauvres glaneurs, et c'est peut-être bien ce qui fait que le lecteur, raffiné par le commerce des grands maîtres, se laisse difficilement émouvoir par les tulles légères et les gazes diaphanes de la poésie moderne.
    Nous n'avons aucunement l'intention d'entreprendre un plaidoyer, et qu'on nous pardonne d'exprimer des vérités, mais le fait n'est-il pas avéré et constaté que la paresse intellectuelle grandit de jour en jour, qu'on se matérialise de plus en plus au point même de tout valoriser en argent jusqu'aux choses les plus sacrées ?
    D'aucuns diront qu'il faut être de son temps, et qu'il ne sert à rien de poser en coq gaulois, j'en conviens, mais combien de jeunes talents sont submergés par le flot montant de cette indifférence, et combien de nos compatriotes, qui auraient pu honorer notre langue, notre âme nationale, nos institutions, se sont voués à l'inaction, démoralisés devant cette apathie déprimante ? [...] ». 
(Willie Proulx, introduction à Mélodies poétiques, p. 9-10)


Le poème Rêverie : Le pré, ci-haut, est tiré de
Mélodies poétiques, recueil de Willie Proulx.

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Recension des Mélodies poétiques, de Willie Proulx, dans Le Quartier latin du 17 novembre 1927.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Willie Proulx, vers la fin de sa vie.

(Source : Les cours de justice et
la magistrature du Québec
, 1999)


La Patrie du dimanche, 25 mai 1958.

(Source : BANQ ; cliquer
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La Presse, 22 mai 1958. On remarque notamment dans l'article que Paul Sauvé,
qui deviendra premier ministre du Québec l'année suivante, était parmi les
porteurs d'honneur lors des funérailles de Willie Proulx.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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