vendredi 29 octobre 2021

Élégies pour l'épouse en-allée

Alfred DesRochers (1901-1978) avec son épouse Rose-Alma Brault (1901-1964),
à « Claire-Fontaine », résidence de Françoise Gaudet-Smet à Saint-Sylvère.

(Source de la photo inconnue)





   La pluie a fait feuiller presque toutes les branches
   Durant la nuit tiède qui vient de s'achever ;
   Le jour est né sans aube au ras d'un ciel crevé
   Entre un débris de flamme et quelques vapeurs blanches.

   Il ramène l'odeur paisible des dimanches
   Qui mesuraient le cours d'un temps à retrouver,
   Quand l'enfant en demi-sommeil doit se lever
   Avec un reste de fatigue dans les hanches. 

   Quelle qu'elle soit, l'heure est de partir
   Sans qu'on puisse lier l'espoir au souvenir.
   J'attends en vain qu'une clarine me régente.

   C'est comme un film accéléré. La grive au toit
   Sautille avec les ans : dix, vingt, trente, soixante,
   Mais ne m'apporte rien que l'absence de TOI. 

                                   * * * 

   Nous avons tellement associé nos âmes
   À ce coin de pays dès que nous l'avons vu
   Qu'il nous était comme un terroir ressouvenu
   Où, voilà quarante ans passés, nous nous aimâmes. 

   Les monts offraient la même ondulation de lames
   Que les coteaux natals à notre œil ingénu
   Et d'identiques pans de roche mis à nu
   Par les éclats de foudre ou les ressauts de flammes.

   De semblables oiseaux y chantaient. L'écureuil 
   Y venait, sautillant sur notre seuil,
   Faire vibrer l'aigreur de son timbre électrique.

   Puis, quand surgit la pleine lune au premier soir,
   Nous vîmes au-dessus des bouleaux de la crique
   Une branche de pin hausser un ostensoir. 

                                  * * * 

   Nous étions nés tous deux durant la même année
   Comme le jeune siècle osait son premier pas ;
   Nous avions partagé sa peine et ses ébats
   Et nous l'avions suivi dans sa course effrénée.

   Parfois, nous évoquions sa folle randonnée,
   Ses élans vers le ciel et ses chutes à bas :
   Première auto, premier avion, premiers combats
   Où l'Occident allait jouer sa destinée. 

   Nous nous prenions à regretter ces jours lointains
   Où le bonheur gardait encor des traits humains,
   Où de deux petits riens s'enfantait une joie ;

   Et, retrouvant le temps perdu, nous fredonnions,
   Lorsqu'à l'ouest entre jour et nuit le ciel rougeoie,
   Les paroles des airs qu'entonnent les pinsons. 

                                   Alfred DesRochers (1967)



Tiré de : Alfred DesRochers, Élégies pour l'épouse en-allée, Montréal, Parti pris, 1967, p. 53-54 ; p. 65-66 ; p. 87-88.

Pour en savoir plus sur Alfred DesRochers, voyez les divers documents présentés sous ses poèmes Désespérance romantique ; Ode au soleil d'hiver ; Hymne au vent du nord ; Je suis un fils déchu (cliquer sur les titres). 


Le 18 novembre 1966, vingt-cinquième anniversaire de la mort du poète
Émile Nelligan, Alfred DesRochers eut l'honneur de procéder au dévoilement
de la stèle ornant sa tombe au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal.
Au cours de l'imposante cérémonie, DesRochers a également dit le célèbre
poème de Nelligan, Le vaisseau d'or. Le médaillon sur la stèle est une 
œuvre du sculpteur et poète Alonzo Cinq-Mars, dont les Poésies québécoises
 oubliées
 ont publié Illusion et Homère en balade à Québec. À droite de
DesRochers, légèrement en arrière-plan, le comédien Albert Millaire, qui 
lui aussi prit part à la cérémonie en lisant un texte.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'élargir)

Les Élégies pour l'épouse en-allée, dont trois des
quarante-trois sonnets sont présentés ci-haut, ont
été publiées pour la première fois en 1967. 

Édition récente (2020) des Élégies pour l'épouse en-allée.
Le volume est disponible à petit prix dans toute bonne
librairie. Pour informations, cliquer ICI.

La Tribune (Sherbrooke), 23 novembre 1964. 

(Source : BANQ)

Alfred DesRochers posant en 1953 avec son épouse Rose-Alma Breault à
Claire-Fontaine, résidence de leur amie l'écrivaine animatrice de télévision
  Françoise Gaudet-Smet. Claire-Fontaine est situé à Saint-Sylvère,
dans la région de Bécancour.

(Source inconnue ; cliquer sur l'image pour l'élargir)

Dédicace manuscrite d'Alfred DesRochers à son
petit-fils Vincent, dans la deuxième édition (1974)
de son recueil L'Offrande aux vierges folles.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Pour prendre connaissance d'une importante conférence 
qu'Alfred DesRochers prononça en 1954, à Montréal, 
sur la poésie canadienne-française de la première
moitié du vingtième siècle, cliquer sur cette image : 


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du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
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mardi 26 octobre 2021

Si j'étais...

Charles-Roger Daoust (1865-1924)

(Source : La Revue nationale, vol. 1,
Montréal, février-juillet 1895) 




   Si j'étais une rose,
   La reine d'un jardin,
   Fleur que le ciel arrose
   De ses pleurs, le matin ; 
   Sur ton sein qui soupire
   Je viendrais expirer
   Et de ton doux sourire
   En mourant m'enivrer.

   Si j'étais une étoile,
   Je descendrais, ma foi,
   Pendant la nuit sans voile,
   Pour m'approcher de toi. 
   Et je ne voudrais prendre
   Pour miroir que tes yeux,
   Car j'y viendrais apprendre
   À briller dans les cieux. 

   Mais je ne suis qu'un homme
   Et, de plus, vieux garçon ;
   C'est ainsi qu'on me nomme,
   Je crois qu'on a raison. 
   Ce n'est pas un mensonge,
   Je l'admets, vous voyez ;
   Adieu donc, rêve ou songe,
   Étoile ou rose, fuyez. 

             Charles-Roger Daoust (1889)



Tiré de : Charles-R. Daoust, Au seuil du crépuscule, Shawinigan, La compagnie de publication du St-Maurice, 1924, p. 64-65.

*  Charles-Roger Daoust est né à Montréal le 30 mars 1865, de Charles Daoust (dont les Poésies québécoises oubliées ont également présenté le poème Douleur amère : cliquer sur le titre), avocat et député de Beauharnois au parlement d’Ottawa, et d’Angèle Doutre. Il étudia au Collège de Montréal et passa ensuite au Montreal High School, d’où il sortit diplômé avec honneur en 1881. Il voulut s’inscrire à la faculté de droit de l’université McGill, mais on le jugea trop jeune. I1 se lança alors dans le journalisme « en attendant » mais n’en sortit jamais.
   Travaillant d’abord au Montreal Witness le jour et au Montreal Morning Gazette la nuit, il passa quelques mois plus tard, en 1883, au journal Le Temps, dirigé par Honoré Mercier, futur premier ministre du Québec. En décembre de la même année, il s’établit aux États-Unis, à New York d’abord puis à Worcester (Massachusetts), où Ferdinand Gagnon, fondateur-directeur du journal Le Travailleur, lui confia le poste de rédacteur adjoint. En 1884, il s’établit à Plattsburgh (New York), où il travailla au journal Le National. En juin de la même année, il retourna à Montréal où il travailla à L’Étendard et au Montreal Star.
   Le jour de son vingtième anniversaire de naissance, le 30 mars 1885, il s’enrôla comme journaliste-correspondant auprès des Carabiniers Mont-Royal. Il assista à ce titre à la campagne du Nord-Ouest contre le soulèvement des Métis et de leur chef, Louis Riel. Dès son retour à Montréal, ému par les scènes de massacre et de carnage dont il fut témoin, il raconta ses souvenirs de cette expédition dans son premier livre, Cent-vingt jours de service actif (1886).
   En 1886, il fit partie du personnel de rédaction du quotidien montréalais La Patrie. Il commença aussi à écrire des poèmes. Ensuite, il retourna aux États-Unis où, au fil des années, il fut impliqué dans la rédaction d’un nombre considérable de journaux, dont certains furent fondés par lui quoique la plupart eurent une existence éphémère, dans divers états de Nouvelle-Angleterre. Entretemps, de 1910 à 1921, il travailla à Ottawa, à titre de traducteur des débats de la Chambre des communes. 
    En septembre 1922, il se déplaça pour la dernière fois vers les États-Unis lorsqu’il revint au journal L’Avenir National de Manchester (New Hampshire), où il monta aussi des pièces de théâtre en français avec des acteurs franco-américains locaux. 
    Atteint de cancer, Daoust prit sa retraite en juin 1923. Résigné à son sort, il rassembla tous ses poèmes et en composa de nouveaux avec l’espoir d’en faire un recueil. Cependant, peu après avoir fini la correction des épreuves de son volume, il mourut chez lui à Manchester le 17 novembre 1924. Il avait épousé, le 21 juillet 1893, Emma Montmarquette, écrivaine, qui rédigea pendant plus de quarante ans, sous le pseudonyme d’ « Esther », des articles pleins d’entrain destinés aux femmes. Son corps fut transporté à Montréal où il fut inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. 
    Il était le cousin de Gonzalve Desaulniers et Raoul Dandurand.
   Quelques semaines après son décès, son recueil de poésies, Au seuil du crépuscule, parut chez un éditeur de Shawinigan, au Québec. « De tous les poètes élégiaques franco-américains, écrit Mary-Carmel Therriault, Charles-R. Daoust fut peut-être le plus joyeux et le plus tendre ».
(Sources : Mary-Carmel Therriault, s.m., La littérature française de Nouvelle-Angleterre, Montréal, Fides, 1946, p. 215-217 ; Dictionnaire des auteurs américains delangue française, site web de l’Assumption University, Worcester (Massachusetts).

De Charles-Roger Daoust, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : La première neige (cliquer sur le titre).


Au seuil du crépuscule, recueil de Charles-R. 
Daoust d'où est tiré le poème Si j'étais, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'élargir)


Pour en savoir plus sur Charles-Roger Daoust 
et sa vie riche en rebondissements et péripéties, 
cliquer sur cette image pour consulter l'article 
biographique que lui a consacré l'écrivain
franco-américain Rosaire Dion-Lévesque : 


La mort de Charles-R. Daoust a fait la une de L'Écho du Saint-Maurice 
du 20 novembre 1924. Le propriétaire du journal, Elzéar Dallaire, était
le beau-père de la fille de Charles-R. Daoust. C'est la compagnie 
éditrice du journal qui a édité le recueil de poésies de Charles-R.
Daoust, quelques semaines après la mort de ce dernier.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'élargir)

Texte complet de l'article paru dans L'Écho du Saint-Maurice du 20
novembre 1924 pour souligner le décès de Charles-Roger Daoust. 

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)

Comme le révèle cette brève notice dans le
journal Le Bien public (Trois-Rivières) du
2 décembre 1924, soit quelques jours à
peine après la mort de Charles-R. Daoust,
l'épouse et le fils de ce dernier étaient à
Shawinigan, en visite chez Alphonse Dallaire,
époux de la fille du poète, sans doute pour
effectuer les derniers préparatifs en vue de
l'impression dans cette même ville du 
recueil posthume Au seuil du crépuscule
qui sortira quelques semaines plus tard.

(Source : BANQ)

Le Devoir, 19 novembre 1924.

(Source : BANQ)

La Presse, 20 novembre 1924. 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

La Patrie, 20 novembre 1924.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)

L'Écho du Saint-Maurice, de Shawinigan, dans son
édition du 15 janvier 1925, a souligné la parution
du recueil posthume de Charles-Roger Daoust,
Au seuil du crépuscule, dans cette même ville.

(Source : BANQ)

Le Droit (Ottawa), 30 janvier 1925.

(Source : BANQ)


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vendredi 22 octobre 2021

Ode à Québec

Québec vu de Lévis, vers 1890. 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'élargir)




            (Fragments) 

   Ô Québec, pour moi, quand je souffre,
   Que tous nos efforts désormais
   Paraissent tomber dans un gouffre
   Dont rien ne sortira jamais ;
   Lorsque l'avenir se fait sombre,
   Que je vois, succombant dans l'ombre,
   Mon peuple écrasé par le nombre
   Sans que rien ne puisse l'empêcher ;
   Enfin, quand tout semble inutile,
   Je vais me placer, immobile, 
   Sur ton fleuve, devant la ville,
   Et je contemple ton rocher.

   Je contemple ce promontoire 
   Où commença d'un continent 
   La création et l'histoire,
   Où gît notre espoir maintenant ; 
   Et je repasse en ma mémoire, 
   Sans oublier une victoire, 
   Tout ce long chapelet de gloire
   Qui se déroule sur ton bord,
   Qu'un jour la France sur ta plage
   Laissa tomber, riche héritage ; 
   Et je sens alors mon courage
   Renaître bientôt et plus fort. 

   Car toi que tout un peuple honore,
   Qui douterait de tes destins ?
   Mais tu ne faisais que d'éclore
   Sur ces bords déserts et lointains ;
   À peine avait lui ta lumière,
   Et déjà tout un hémisphère, 
   Secouant ta torpeur première, 
   S'illuminait sous ton soleil,
   Subissait la douce influence
   De ton heureux jour qui commence,
   Et rendait hommage à la France,
   Auteur de ce divin réveil. 

   Ô ville ! À peine étais-tu née
   Qu'au loin éclatait ta splendeur ;
   Et pour nier ta destinée, 
   Et pour douter de ta grandeur, 
   Il faudrait bien ne plus connaître, 
   Dans l'oubli faire disparaître
   Toutes ces terres qu'ont fait naître
   Tes explorateurs triomphants ; 
   Il faudrait perdre la mémoire,
   Effacer ta sanglante histoire
   Et te ravir encor la gloire
   Qu'en tous lieux sèment tes enfants. 

   Puis il faudrait, tâche suprême,
   Il faudrait surtout t'arracher,
   Québec, jusqu'à ta base même,
   Ton imperturbable rocher ; 
   Car c'est par là que ton âme altière
   Se révèle à nous entière ; 
   Car c'est là que notre paupière
   Pénètre du coup l'avenir, 
   Et qu'on voit ta grandeur future
   S'affirmer dans cette nature
   Où tout du roc a la facture,
   Où rien ne saurait plus finir. 

                 Georges-A. Boucher* (1902)



Tiré de : Georges-A. Boucher, Chants du Nouveau Monde, deuxième édition, Brockton (Massachusetts), 1950, p. 102-104. 

* « Né le 12 septembre 1865 à Rivière-Bois-Clair (aujourd'hui Saint-Edouard-de-Lotbinière), Georges Alphonse Boucher est petit-fils du lieutenant-colonel André de Chavigny de la Chevrotière, Seigneur de Deschambault.
   De santé précaire, il fait ses études sous la direction de tuteurs particuliers : un oncle maternel l'initie aux classiques grecs et latins et son parrain, l'abbé Olivier Boucher, l'amène à Lawrence, Massachusetts, étudier l'anglais et la musique. Après un stage préliminaire au collège Bédard de Lotbinière, il s'inscrivit en 1878 au collège d'Ottawa, où il obtient le baccalauréat ès arts. Il reçoit son parchemin de docteur en médecine à l'Université Laval (Québec) en 1889, et termine son internat à la Polyclinic de New-York, avant de venir s'établir à Brockton, Massachusetts, en octobre 1890.
   C'est au Québec qu'il épouse Fabiola Voyer, au mois de janvier 1892.
   Au cours d'une vie professionnelle active qui dure soixante ans, il met au monde plus de dix mille enfants.
  En 1933, il publie son premier recueil, Je me souviens. Suivent ses Sonnets de Guerre, en 1943. Il les retouche et prépare une nouvelle édition des recueils précédents sous le titre de Chants du Nouveau Monde (1946 et 1950).
  Son épouse meurt à l'automne 1949 et lui-même à Concord, New Hampshire, le 8 janvier 1956 ; les deux ont passé la nuit en chapelle ardente chez les Ursulines de Québec, avant de reposer au cimetière Belmont.
   La France l'avait honoré des Palmes académiques et de la Médaille d'honneur des Affaires étrangères, alors que la Société historique franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre lui avait remis la médaille Grand Prix ». 
(Source : Paul P. ChasséAnthologie de la poésie franco-américaine de la Nouvelle-AngleterreProvidence, The Rhode Island Bicentennial Commission, 1976, p. 161).

Dans le préambule de son recueil Je me souviens, Georges A. Boucher a écrit au sujet des strophes présentées ci-haut : 

« En juin 1902, j'écrivis pour le Premier congrès de l'Association des médecins de langue française de l'Amérique du Nord, tenu à Québec, quelques strophes (celles de l'Aigle) qu'on lira à la VIIe Ode et qui furent bien reçues des confrères. M. Edmond de Nevers, qui demeurait alors dans la Vieille Capitale, les entendit. Il en fut frappé et prit la peine de m'écrire à ce sujet une lettre très encourageante dans laquelle il disait : "On a applaudi cette pensée si originale et si superbe de l'Aigle (la France) qui, planant dans les hauteurs et cherchant un site grandiose pour y déposer son Aiglon, a choisi de son oeil perçant le rocher de Québec. Faites deux autres poèmes comme celui-là au cours de votre vie, et vous serez plus sûr de vivre que d'autres qui ont accouché de lourds et nombreux volumes"[...] ».

De Georges-A. Boucher, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté L'aigle et le rocher de Québec et Mélancolie (cliquer sur les titres). 


Pour en savoir plus sur Georges A. Boucher, 
cliquer sur cette image pour consulter un 
article biographique par le poète franco-
américain Rosaire Dion-Lévesque : 


Georges A. Boucher (1865-1956)

(Source : son recueil Je me souviens,
Montréal, éd. Arbour et Dupont, 1933) 

Chants du Nouveau Monde, recueil de
Georges-A. Boucher d'où est tirée 
l'Ode à Québec, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Signature de Georges A. Boucher dans un exemplaire de la
deuxième édition de son recueil Chants du nouveau monde,
paru en 1950. Un seul exemplaire est disponible sur le
marché ; pour se le procurer, cliquer ICI.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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lundi 18 octobre 2021

Le petit pied nu de l'aube

Medjé Vézina (1896-1981)

(Source : La Revue des livres,
Montréal, mars 1935)




   Ressurgissant des somnolences,
   L'aube pointe, prélude, avance ; 
   Le firmament en bleu-lilas
   Écoute évoluer son pas,
   Si menu, perceptible à peine,
   Traînant des lueurs qu'il égrène
   Au long du bosquet engourdi
   Où gîte encor un peu de nuit.

   Un ciel laiteux, perlin, surplombe ;
   Est-ce un ébrouement de colombe,
   Ce bruit qui passe, si léger
   Qu'on croirait entendre neiger ?
   Non, cela court sur l'herbe lisse,
   Où l'aube aux pieds d'ivoire glisse,
   Touche l'épaule des bouleaux, 
   Entrouvre un nid fleuri d'oiseaux.

   Tant de bonheur, tant de joie !
   Il semble qu'une beauté noie
   Ce que la lune a vu mourir.
   Un rosier bouge et veut offrir
   Au chemin sa hotte de roses ;
   Le bourgeon se métamorphose,
   Cœur étonné de l'univers.
   Des teintes colorent l'éther .

   Voici que le rayon superbe
   Comme une averse envahit l'herbe.
   Au fond d'un feuillage encore frais
   L'aube a blotti son front de lait ;
   Mais déjà les cigales grêles 
   Orchestrent leurs crissantes ailes,
   Convoquent au plaisir la fleur
   Dont le col courbait sous un pleur. 

   L'heure sonne, folle et stridente,
   Et l'aube est un petit dieu mort ;
   Car au balcon du ciel en pente
   Rit le soleil aux cornes d'or !

                        Medjé Vézina* (1934)



Tiré de : Medjé Vézina, Chaque heure a son visage, Montréal, Éditions du Totem, 1934, p. 63-64. 


Ernestine dite Medjé Vézina est née à Montréal le 16 avril 1896, de Joseph-Damien Vézina, médecin, et de Fabiola Alain. Après des études au couvent de Lachine, qu'elle termina en 1914, elle fut lauréate de l'Académie de musique de Québec, puis en 1926, elle entra à titre de publiciste-stagiaire à l'École d'art paysan de Québec et devint codirectrice, avec Adrienne Choquette, de Terre et Foyer, revue d'éducation populaire publiée par le gouvernement du Québec.
  Durant vingt-six ans, elle prépara l'édition mensuelle de la revue avec l'aide de deux illustratrices, Suzanne Auger et Cécile Lemieux. Entretemps, elle fut, de 1941 à 1944, rédactrice et directrice de la Revue des Fermières, publiée par le ministère de l'Agriculture du Québec.
   En 1934, elle publia Chaque heure a son visage, son unique recueil de poésies. Elle participa, à l'Auditorium du Plateau à Montréal, au Grand gala de poésie organisé par la Société des écrivains canadiens-français à l'occasion de la tenue du Deuxième Congrès de la langue française au Canada. Elle a collaboré à divers périodiques dont Le Jour, la Revue populaire, la Revue modernePaysanaL'Émérillon, Elle prit sa retraite en 1961.
   Son recueil Chaque heure a son visage est célébré dans les termes suivants par les critiques littéraires Laurent Mailhot et Pierre Nepveu : « [...] d'une passion généreuse et tourmentée, qui suffit à placer [Medjé Vézina] au tout premier rang des poètes de son époque. Souvent négligée parmi les voix féminines du début des années trente, Medjé Vézina les domine pourtant par la rigueur et l'intensité de son écriture ».
   Medjé Vézina est morte à Québec le 4 avril 1981. 
(Sources : Marie-Paule Desjardins, Dictionnaire biographique des femmes célèbres et remarquables de notre histoire, Montréal, éditions Guérin, 2007, p. 484 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 215 ; Laurent Mailhot et Pierre Nepveu, La poésie québécoise des origines à nos jours, Montréal, éditions de L'Hexagone, 1981, p. 209).

De Medjé Vézina, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Mon rêve habite près des feuilles.


Chaque heure a son visage, recueil de
Medjé Vézina d'où est tiré le poème
Le petit pied nu de l'aube, ci-haut.
Il ne reste sur le marché en ligne 

qu'un seul exemplaire de l'édition 
originale de 1934, voir ICI
Une réédition est disponible, voir ICI

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dédicace manuscrite de Medjé Vézina dans son 
recueil Chaque heure a son visage. 

(Collection Daniel Laprès)

Critique littéraire redouté, Albert Pelletier, fondateur
des Éditions du Totem, est l'éditeur de l'unique recueil
de Medjé Vézina, Chaque heure a son visage. Il était
le père des grands comédiens Denise et Gilles Pelletier.

La dédicace manuscrite que l'on voit ci-dessus se trouve
dans un exemplaire du recueil de Medjé Vézina. Elle est
adressée au journaliste Edmond Turcotte.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'élargir)

Les pages littéraires des
journaux de l'époque ne
semblent avoir fait aucune
mention de la mort de
Medjé Vézina. Seule cette
notice nécrologique est
parue dans Le Soleil du
9 avril 1981.

(Source : BANQ)


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