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Rocher sur la Pointe de Saint-Roch-des-Aulnaies, où Auguste Soulard se rendait souvent méditer face au fleuve Saint-Laurent et où il trouvait l'inspiration pour les poèmes qu'il publia dans des périodiques du temps.
Le rocher est évoqué en conclusion du poème ci-dessous.
(Photo : Daniel Hamelin, juillet 2020) |
Pendant qu'à tout lecteur les histoires
passées
Sont dites bien souvent et souvent
ressassées,
Permettez qu'à mon tour j'égare aussi
mes pas,
En vous parlant de ceux dont on ne parle
pas.
Les venger d'un oubli dont l'amitié
s'afflige,
C'est justice sans doute aux morts que
l'on néglige,
Des intimes détails l'authentique secret
Du commun des lecteurs éveille
l'intérêt.
Et, qu'on les donne en prose ou qu'on
les versifie,
Ne sont-ils pas un texte à la
philosophie ?
Il était, à l'époque où brillait mon
printemps
(L'histoire véridique est de plus de
vingt ans),
Un jeune campagnard d'honorable lignée,
Au ton conciliant, à la mine soignée.
À Québec il parut pour y suivre son
droit,
Caractère fort doux, air aimable, cœur
droit.
Il avait un talent dont la haute puissance
Appelait la fortune et primait la
naissance.
Gai, poli, studieux, on lui connaissait
l'art
De plaire et de bien dire : il avait nom
Soulard.
Il se fit du travail une longue
habitude,
Et de livres divers il chérissait
l'étude ;
Il pouvait sans avoir médité longuement,
Apprendre vite et bien et noter
amplement.
D'ailleurs, grand par l'esprit et noble
au fond de l'âme,
Du poétique instinct il nourrissait la
flamme.
Littérateur instruit comme on l'est peu
souvent,
Jamais il ne brigua le titre de savant.
Sa parole féconde et sans monotonie,
S'aiguisait à propos d'une fine ironie.
Il enfantait l'esprit, sans le chercher
ailleurs
Ah ! qu'il aurait brillé dans la joute
oratoire,
S'il eût pour le barreau laissé là l'écritoire,
Et s'il eût pu, vouant son génie au
métier,
À cet unique objet se mettre tout entier
!
Indulgent aux défauts et riant du
grotesque,
Il pardonnait bien moins au grand air
pédantesque ;
Mieux que l'expérience, un sentiment
exquis
Au salon lui prêtait un savoir-vivre
acquis.
Du loyal gentilhomme il rehaussait
l'image,
Et l'estime de tous venait lui rendre
hommage.
Il aimait, par dédain des ruses du
plaideur,
Des pères du vieux droit la docte
profondeur.
Il adorait Pothier ; en prolongeant sa
veille,
De ce rare génie il sonda la merveille.
Il eut d'épais cahiers remplis du droit
romain.
Or, tous deux quelquefois nous y
mettions la main.
Ces notes présentaient deux thèses à
l'inverse ;
Sur quoi frère Soulard, logicien concis,
Formulait sans encombre un résultat
précis.
Aux heures de loisir il invoquait la
muse
Dont, comme de tout temps, au jeune âge
on s'amuse.
La montagne, les bois, la plaine, le
ruisseau,
Ensemble accommodaient son mobile
pinceau.
Une nuit il chantait et la voûte azurée,
Et les astres sans fin qui peuplent
l'empyrée.
Cet hymne se fit place au rang des beaux
essais.
D'autres qu'il a laissés montèrent au
succès.
À « Mon Pays », un jour, avec
âme il dédie
D'harmonieux accents : c'est une mélodie.
De sa muse inédite un fragment est
resté,
Où s'épanchaient la grâce et la suavité.
S'échappant de la ville, amant de la
nature,
Il se livrait près d'elle à la
littérature,
Il savourait leur prose, il retenait leurs
chants.
Vous souvient-il ici comment il savait
rendre
Les vers qu'il déclamait, nous les
faisant apprendre ?
Par sa bouche entraînait les auditeurs
ravis ?
Il avait au barreau plaidant à la
campagne,
Ses livres pour amis, la gaîté pour
compagne.
Il aimait à narrer chaque fait
plaisamment,
À joindre l'anecdote au solide argument.
Un bon mot, comme appoint à sa
dialectique,
Transportait les clients d'un rire
frénétique.
Auditeur à son tour, personne mieux que
lui,
D'un trop long plaidoyer ne sut tromper
l'ennui.
Saisissant l'air comique ou de sinistre
augure,
Il dessinait au mieux toute humaine
figure.
L'œuvre de son crayon avait même un
fini,
Des contours que peut-être eût aimés
Gavarni.
Ces pochades souvent délectaient
l'auditoire,
Et le juge en riait, à ce que dit
l'histoire.
Une fois il advint un incident très neuf:
En Circuit, à l'auberge, un soir nous
étions neuf.
C'était par aventure, à la fin de
l'automne ;
Le ciel était lugubre et le vent
monotone.
Un pareil temps abîme, on peut le
maugréer,
Mais nous cherchions un mode à nous
mieux récréer.
Quand l'un des neuf soudain, pour
ménager surprise
Et mettre en tout son jour une idée
incomprise,
Traça nombre de mots amalgamés sans art,
Qui n'offraient aucun sens et rimaient
au hasard.
À ces rimes sans choix l'une à l'autre
agencées,
Il fallut joindre un thème et coudre des
pensées ;
Qu'avec elles le vers aisément
s'arrimât.
Ce tournoi, sérieux sans être une
malice,
Au grand plaisir de tous mit deux
champions en lice.
Soulard, puis maître Angers accèdent au
combat ;
Un troisième avec eux l'accepte sans
débat ;
Il eut tort en cela de se montrer bon
homme
(Vous direz comme moi sans que je vous
le nomme).
Donc, pour mener à bien cette tâche en
courant,
On devait rimailler cinq minutes durant.
Chacun des trois jouteurs condamnés à la
rime,
À l'envi l'un de l'autre avec hâte
s'escrime.
S'il triomphe à ce jeu par un sublime
effort,
Quelle gloire au rimeur proclamé le plus
fort !
Enfin, la triple tâche, ou la triple corvée,
Même avant l'heure dite était
parachevée.
Différent en sa forme ainsi qu'en sa
teneur,
Chaque chef-d'œuvre obtient la mention
d'honneur,
Sauf que, ses vers, parfaits, nombrant
une vingtaine,
Alors, statuant net sur les trois
impromptus :
Angers dit: « Soulard gagne et nous
sommes battus ! »
Il en décidait bien ; chose légère ou
grave,
Une preuve en subsiste aux mains de
Delagrave.
Soulard, homme capable, était insoucieux
;
L'argent et le renom, qu'étaient-ils à
ses yeux ?
De sa courte existence enfin que vous
dirais-je ?
Ses ennuis ? Et pourquoi vous les
retracerais-je ?
Son avenir, à lui, qu'on avait peint si
beau,
Il le vit s'effeuiller à l'aspect du
tombeau.
Il s'affaissa ; l'espoir dans son âme
inactive
N'embellissait pour elle aucune
perspective,
Et ses pensées, longtemps avant son
dernier jour,
N'avaient plus d'aliment au terrestre
séjour.
Le trépas abrégeant ta carrière
mortelle,
Ami, tu nous disais : « L'existence
qu'est-elle ?
Un combat où la mort, ardente à nous
saisir,
Sans compter les instants immole sans choisir.
Apprendre à la quitter c'est connaître
la vie :
Ici-bas il n'est rien qui soit digne
d'envie.
Les devoirs imposés, remplis avec honneur,
De nos derniers moments sont l'unique
bonheur ».
Et maintenant tu dors sur ta lointaine
plage,
À l'ombre du clocher de ton humble
village,
Dont jadis tant de fois le site
m'enchanta,
Près de ce bord natal que ta muse
chanta.
Et ce temple, non loin de ton foyer
rustique,
Où les tiens ont gardé leur sépulture
antique,
Le rocher, la prairie où tu guidais mes
pas,
Je les vois et te cherche aux lieux où
tu n'es pas.
Mais là-bas, écoutant les clameurs de la
brise,
En voyant une pointe où la vague se brise*,
J'aime et de la tempête et du flot
murmurant
Le bruit tant solennel qui te semblait
si grand.
Vivant moi-même aux bords que la marée
inonde,
Ma course imitera le destin de son onde,
Et déjà n'existant que par le souvenir,
Je touche presque au seuil du terrible
avenir !
François-Magloire Derome (Rimouski, avril
1866)
* Pendant ses vacances et même
avant son temps de collège, Soulard aimait à s'asseoir à une des aspérités
culminantes de la Pointe de Saint-Roch, et là il méditait poétiquement au bruit
de la marée montante dont les flots battaient à ses pieds. Il m'a dit cela lui-même
en me citant la strophe suivante d'une de ses poésies :
J'aime
de mon pays les riantes campagnes,
Ses
étés si brillants et ses joyeux hivers,
Ses
bosquets enchantés de sapins toujours verts,
Et
ses lacs transparents et ses hautes montagnes.
J'aime
du Saint-Laurent les rivages si beaux,
J'aime
à les contempler le soir lorsque la brise
Agite
mollement la surface des eaux,
Assis
sur le rocher où la vague se brise.
D'Auguste Soulard, les Poésies québécoises oubliées ont présenté : ― Mon pays.
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François-Magloire Derome (1817-1880)
Ami intime d'Auguste Soulard, il a consacré
à sa mémoire le poème ci-haut.
(Source : Le Répertoire national, tome 2) |
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Le poème ci-haut en hommage à Auguste Soulard a été publié pour la première fois dans l'édition de mai 1866 de la revue littéraire Le Foyer canadien.
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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Le poème de François-Magloire Derome en hommage à Auguste Soulard a également paru dans le numéro de juillet-août 1866 du Journal de l'Instruction publique. |
et premier Premier ministre du Québec (de 1867 à 1873)
a publié un hommage à Auguste Soulard à l'occasion de
sa mort en juin 1852. L'article, d'abord paru dans le
journal Le Canadien du 7 juillet 1852, a été publié
de nouveau dans Le Foyer canadien de mai 1866,
pour accompagner le poème de F.-M. Derome.
Pour accéder à cet hommage à Auguste Soulard,
cliquer sur cette photo de Chauveau :
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La vue sur le Saint-Laurent et les Laurentides, depuis le rocher de la Pointe, à Saint-Roch-des-Aulnaies, où Auguste Soulard se rendait fréquemment pour méditer et y trouver inspiration pour ses œuvres poétiques.
(Photo : Daniel Hamelin, juillet 2020) |
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Comme l'indique cette notice parue dans le journal Le Canadien du 22 juillet 1842, Auguste Soulard, fut reçu avocat dès l'âge de 23 ans, alors qu'il ouvrit son étude légale sur la rue des Jardins, dans le Vieux-Québec. On aperçoit cette petite rue telle qu'elle apparaît de nos jours.
(Source de la photo : Google Maps) |
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Maison de la famille Soulard à Saint-Roch-des-Aulnaies. Auguste Soulard y a grandi et y est décédé le 27 juin 1852. Il repose au sous-sol de l'église paroissiale du village.
(Photo : Paul Grant) |
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Auguste Soulard repose depuis 1852 sur les bords du Saint-Laurent, dans le sous-sol de l'église de Saint-Roch-des-Aulnaies, construite sur un terrain qui avait été donné par son père, mort quelques jours avant Auguste, de la même maladie, la tuberculose.
(Source : Chaudière-Appalaches ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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