Joseph-Guillaume Barthe (1816-1893) (Source : Le répertoire national, tome 1) |
Salut ! concitoyens, foulez la terre amie,
Foulez le sol sacré de la patrie !
Sur la plage lointaine, où le crime gémit,
Où le repentir pleure... un généreux proscrit,
Un Nelson, un Gauvin, un Masson, un Bouchette,
Noms de héros chantés sur la mâle trompette ;
Des Rivières, Goddu, Marchessault et Viger
Dont les fronts plébéiens, ceints du noble olivier,
Devaient courber plus tard sous le faix de la gloire,
Pouvaient-ils dans la honte expier leur valeur ?
L'égide de l'honneur
Protégeait leur mémoire !
Les tyrans ont pâli, souillés d'iniquité,
Et, près de s'engloutir sous les débris du trône,
Ils se sont moins joués des droits d'humanité ;
Ah ! c'est que dans la fange ils jetaient leur couronnes !
Les fils des Canadas, amants de liberté,
Perdant leur vain espoir dans un sceptre insensé,
Et d'un généreux sang rachetant leur patrie,
Bravèrent dans nos champs la mitraille ennemie ;
Ô peuple ! jette un funèbre feston
Sur leur tombeau... bats le mâle clairon !
Couvre de drapeaux sombres
Leurs tombeaux et leurs ombres !
Baise leur cendre sainte au fond de leur cercueil,
Érige un monument qui fasse ton orgueil,
Leurs noms en traits de feu dans ta généreuse âme
Sont gravés pour jamais !
Rois, vous portez en vain le fer et la flamme
Si loin de vos palais !
Un roi doit-il régner sur un peuple d'esclaves ?
Doit-il sous un vil joug courber les fronts des braves ?
Martyrs sanctifiés par de mâles exploits,
Le trépas vous soustrait à de honteuses lois !
Le peuple honorera vos noms, votre mémoire,
Vos ombres avec lui chanteront la victoire !
Ô peuple ! jette un funèbre feston
Sur leur tombeau... bats le mâle clairon !
Couvre de drapeaux sombres
Leurs tombeaux et leurs ombres !
Mais vous qui dans l'exil consumant de beaux jours,
Avez flétri vos pas dans la fange des crimes,
Vous qu'un fer assassin réclamait pour victimes,
Que de vils ennemis, sanguinaires vautours,
Jetaient à l'échafaud en ignoble pâture,
Vous avez affronté le fer et la torture
Et l'homicide bras souillé de déshonneur !
La peur n'a pas molli vos âmes généreuses
(Dans le sein des héros il bat un si grand coeur !)
Si le destin rendit vos armes malheureuses,
Si Mars vous a ravi la palme des combats,
Si vous ne fûtes point les plus heureux soldats,
Vous avez succombé du moins avec vaillance.
Un seul des fils d'Albion et sept fils de la France
Que l'honneur fit soldats,
Qu'on vit briguer la gloire en tête des combats,
Payèrent dans l'exil leur valeur héroïque :
Ceignons-leur aujourd'hui la couronne civique !
Ô peuple ! tresse un glorieux feston,
Chante et bats le mâle clairon,
Et de leurs pas chéris, oh ! baise la poussière,
Devant eux, de respect, courbe ta tête altière !
Joseph-Guillaume Barthe (1838)
Source : Le répertoire national, volume II, Montréal, J. M. Valois & Cie Libraires-Éditeurs, 1893, p. 88-89.
Pour avoir publié ce poème, l'auteur et son éditeur, Napoléon Aubin, ont été jetés en prison par la Couronne britannique.
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Patriotes de 1837-38. (Source de l'illustration : La cabane du patriote Durocher) |
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