Illustration d'Edmond-Joseph Massicotte accompagnant le poème Légende des guérets, d'Oswald Mayrand, dans son recueil Fleurettes canadiennes. |
Dédié à M. Louis-Octave Demers
L'avare labourait, un dimanche, son champ,
Poursuivant son labeur sous le soleil couchant.
Le jour allait s'éteindre et ses mourantes flammes
Allumaient la prière humaine dans les âmes
Au son de l'angélus, qui, comme un encensoir,
Fait monter vers les cieux l'Ave chaque soir.
Un sourire flottait au front de la Nature,
Heureuse du concert qu'offrait la créature,
Et, seule ombre au tableau, le morne laboureur
Du Seigneur profanait le saint jour, sans frayeur.
En suivant le sillon creusé par la charrue,
Il songe à sa jeunesse, à sa foi disparue,
Aux jours où, de sa mère embrassant les genoux,
Il priait le bon Dieu de ses accents plus doux :
Le carillon du temple évoque dans son âme
Le souvenir lointain de sa première flamme.
De son œuvre servile achevant les efforts,
Pour étouffer la voix de ses justes remords,
Du fond de sa poitrine il tire un long blasphème
Et, dans son noir délire, il le lance au ciel même...
La terre tressaillit sous l'œil du Créateur :
Ouvrant son sein d'argile au vil blasphémateur,
Elle engloutit vivant ce voleur du dimanche,
Écrasé sous le poids d'une lourde avalanche.
Pour immortaliser ce fait du Dieu vengeur,
Un monument se dresse aux yeux du voyageur.
Où s'étendait jadis une terre fertile
Gît un champ de cailloux et de pierre stérile.
On dirait des guérets, aux sillons rocailleux,
Allongeant leurs replis comme un lac onduleux.
Des chercheurs ont fouillé ces funèbres entrailles
Et se sont enfoncés sous de hautes murailles,
Sans jamais découvrir, dans leur effort jaloux,
Le secret qu'a scellé cet amas de cailloux.
Des arbres alentour semblent faire la garde,
Tels que de vieux soldats sous le ciel qui les garde.
Que de printemps depuis ont passé sur ce roc,
Qui du temps destructeur a défié le choc !
Rehaussé par l'éclat du lieu qui le couronne,
De son socle de pierre, aux passants qu'il étonne
L'éternel monument proclame avec terreur
Que le jour du dimanche appartient au Seigneur.
Oswald Mayrand (12 août 1902)
Tiré de : Oswald Mayrand, Fleurettes canadiennes, Montréal, 1910, p. 43-45.
Note de l'auteur au sujet de son poème :
« Au cours d'un pèlerinage à Rigaud, je visitai le fameux "champ de guérets", une immense étendue de cailloux située sur une colline, près du village. En face de cette étrange collection de pierres rondes, j'entendis des vieillards émus en évoquer l'origine mystérieuse, et c'est à la substance de ces récits touchants que j'ai tenté de donner une forme poétique. Ces vers sont dédiés à Monsieur Louis-Octave Demers, dont la généreuse hospitalité ajouta au charme de mon excursion pieuse à Rigaud ».
Pour en savoir plus sur Olwald Mayrand, voyez la notice biographique et les documents sous son poème Chant de liberté.
Voyez également le portrait, intitulé Le parfait gentilhomme, que l'écrivain Albert Laberge a écrit sur Oswald Mayrand aux pages 7 à 15 de son ouvrage Propos sur nos écrivains (cliquer sur le titre).
Voyez également le portrait, intitulé Le parfait gentilhomme, que l'écrivain Albert Laberge a écrit sur Oswald Mayrand aux pages 7 à 15 de son ouvrage Propos sur nos écrivains (cliquer sur le titre).
Les Poésies québécoises oubliées ont également publié de Zéphirin Mayrand, père d'Oswald, un autre poème sur les guérets de Rigaud : Légende des guérets.
Pour en savoir plus sur la légende des guérets de Rigaud, cliquer ICI.
La légende des guérets de Rigaud, ci-haut, est tirée du recueil Fleurettes canadiennes, d'Oswald Mayrand. On peut en trouver de rares exemplaires ICI et ICI. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Oswald Mayrand (1876-1969) (Source : Biographies canadiennes-françaises, 1922) |
Vue d'une partie du « champ de patates» de Rigaud. (Photo : Daniel Laprès, 2011 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir). |
Caricature d'Oswald Mayrand par Robert LaPalme parue dans l'édition du 20 novembre 1934 de L'Ordre, d'Olivar Asselin. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite d'Oswald Mayrand à l'éditeur Eugène Issalys dans son deuxième et dernier recueil de poésies, Chants ultimes, paru en 1964. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Oswald Mayrand, dans Propos sur nos écrivains, d'Albert Laberge, p. 5. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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