Le moulin seigneurial de la Pointe-du-Lac en 1925 et tel que le connut Hervé Biron à l'époque où il composa le poème ci-dessous. (Source : BANQ) |
Ô vieux moulin banal, je viens toucher tes pierres,
Ton seuil aux nœuds saillants, tes murs enfarinés ;
Et, près de toi, je veux, en fermant les yeux,
Revivre tes beaux jours de joie illuminés.
Ici j'évoquerai ce coureur d'aventures
Qui, des Pays-d'en-haut, venu tout luisant d'or,
Durci par le commerce hasardeux des fourrures,
Dissipa son avoir en attendant la mort.
C'est lui le bâtisseur de ta forte structure,
De ce profond solage et de ce toit pointu ;
Ces planchers onduleux, ces canaux à mouture
Et, dans tes murs, ces attaches de fer battu.
Chaque jour tu voyais les joyeux censitaires
T'apporter à pleins sacs leur beau froment doré ;
De solides meuniers, rudes et volontaires,
Surveillaient le blutoir comme un vase sacré.
Hélas ! Je n'entends plus jamais grincer tes meules.
La riche poudre blanche en l'air ne vole plus.
Les aubes de ta roue imperturbable, seules,
Affirment que tes jours ne sont pas révolus.
Mais tu gardes toujours ton aspect romantique.
Les flots que tu reçois viennent des mêmes bois,
Où l'érable séveux et le pin balsamique
Chantent dans le grand vent ta gloire et tes émois.
Dans l'étang minuscule où stagne une eau brouillée,
La rivière un instant se répand et se perd.
Puis son cours déchaîné, dans l'écluse rouillée,
S'introduit et s'écroule avec un bruit d'enfer.
Comme un vieux philosophe, insensible aux années,
Dressé dans ton manteau de pierre et de mortier,
Tu gardes à nos yeux tes grâces surannées
Et notre orgueil se rend devant ton front altier.
Hervé Biron* (1939)
Tiré de : Hervé Biron, Paroissiales, Trois-Rivières, 1939, p. 7-8.
* Hervé Biron est né à la Pointe-du-Lac le 12 mai 1910, d'Arthémis Biron, marchand général, et d'Athaïs Comeau. Il fit ses études classiques au Collège Séraphique à Trois-Rivières, puis au juniorat du Sacré-Cœur à Ottawa, où il fit ses humanités et sa philosophie au Collège d'Ottawa.
Il entra au Nouvelliste de Trois-Rivières, où il fut journaliste de 1934 à 1947, puis rédacteur en 1946 et rédacteur en chef en 1954. Il fut parallèlement, de 1934 à 1947, correspondant de Trois-Rivières pour le journal L'Action catholique, de même qu'archiviste au Séminaire Saint-Joseph de 1942 à 1947. Il collabora également aux quotidiens Le Soleil de Québec et Le Devoir de Montréal, de même qu'à l'hebdomadaire Le Bien public de Trois-Rivières.
Il fut également secrétaire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Trois-Rivières en 1941, de même que secrétaire (1845-1948) puis président (1948-1956) de la Société d'histoire de Trois-Rivières. Au milieu des années 1960, il devint rédacteur-adjoint au Journal des Débats, au Parlement de Québec.
Il est l'auteur de romans, notamment Poudre d'or (1945) et Nuages sur les brûlés (1948), dont a été tirée en 1959 une mini-série télévisée, Les brûlés, mettant en vedette Félix Leclerc. Il a aussi publié des essais historiques, dont Vers les pays d'en-haut (1944, co-écrit avec l'abbé Albert Tessier) et Grandeurs et misères de l'Église trifluvienne (1947). À sa mort, il travaillait aux dernières retouches d'un recueil de poésies intitulé L'Herbier de chair, qui parut quelques mois après.
Hervé Biron est mort à Québec le 10 mai 1976. Il avait épousé Valéda Thibeault le 15 août 1936. À Trois-Rivières, la rue Hervé-Biron a été nommée à sa mémoire.
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 3, Montréal, Fides, 1982, p. 801 ; Le Nouvelliste, 20 mai 1976 ; Le Bien public, 14-21 mai 1976).
Hervé Biron (1910-1976) (Source : son ouvrage Paroissiales, 1939) |
Le poème Le moulin, ci-haut, est tiré d'un ouvrage
publié par Hervé Biron en 1939, intitulé Paroissiales,
qui contient trois autres poèmes composés en vue
du bicentenaire de la Pointe-du-Lac, et qui sont
dédiés au lac Saint-Pierre, au Manoir et au
Couvent. À cette suite poétique est ajoutée
le texte d'une conférence donnée par Hervé
Biron sur l'œuvre du poète Francis Jammes,
mort peu avant, en 1938. Pour consulter ou
télécharger cet ouvrage de 25 pages, cliquer
sur l'image de sa couverture :
Dédicace manuscrite d'Hervé Biron, dans Vers les Pays d'en-haut (1944), qu'il a co-écrit avec l'abbé Albert Tessier. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Hervé Biron, plus tard dans sa vie. (Source : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 3, Montréal, Fides, 1982, p. 801) |
Le Nouvelliste, 20 mai 1976. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Nouvelliste, 21 mai 1976. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Bien public, 14-21 mai 1976. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Nouvelliste, 2 juillet 1976. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le moulin seigneurial de la Pointe-du-Lac a longtemps été négligé, tel qu'on le constate sur cette photo datant de 1953. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le moulin seigneurial de la Pointe-du-Lac restauré, tel qu'il paraît de nos jours. (Source : Patrimoine culturel du Québec) |
Le moulin seigneurial de la Pointe-du-Lac a été préservé,
reconnu monument historique, restauré et rendu à notre
mémoire collective grâce à un combat de tous les instants
mené durant des décennies par Madame Mariette Cheney
(1923-2013), qui a ainsi réalisé le vœu qu'exprimait Hervé
Biron par son poème de 1939. Pour en savoir plus sur cette
exemplaire compatriote et artiste, cliquez sur sa photo :
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