vendredi 19 novembre 2021

Les ouaouarons

 
Illustration d'Albert Ferland ornant son poème Les Ouaouarons, dans
L'âme des bois, livre troisième de son recueil Le Canada chanté.




        Ils n'en revenaient que tard le soir, lorsqu'ils étaient 
    fatigués d'entendre le coassement des grenouilles et le 
    beuglement du ouaouaron– Antoine Gérin-Lajoie

        À Auguste Dorchain.



   Quand l'arbre enténébré dans les lacs semble choir,
   Grenouilles que la mort des soleils fait poètes,
   Vos chants, tels des adieux à la fuite du Soir,
   Surgissent, solennels, au bord des eaux muettes.

   Grenouilles, mon enfance a compris votre voix.
   Pieds nus et l'âme ouverte au cantique des grèves,
   Esseulé dans la paix auguste des grands bois,
   J'ai fait aux couchants roux l'hommage de mes rêves. 

   Comme un troupeau de bœufs, vers la chute du jour,
   Emplit de beuglements le calme des prairies, 
   Vous avez, quand vient l'heure où l'âme a plus d'amour,
   Peuplé de chants profonds mes jeunes rêveries. 

   Qu'ils sont lointains les soirs pensifs de mes douze ans,
   Ces soirs dont la grandeur ont fait mon âme austère,
   Ces soirs où vous chantiez, ouaouarons mugissants,
   La douce majesté de la grise lumière !

   Je revois la savane où ces soirs sont tombés, 
   Je revois s'empourprer les soleils en déroute : 
   En vain le flot des nuits me les ont dérobés ;
   Sanglante, leur image à mon rêve s'ajoute. 

   Ah ! vos cris d'autrefois, grenouilles de chez nous,
   À jamais regrettés traversent ma mémoire ;
   Toujours dans mon esprit, religieux et doux,
   Regardent vos yeux d'or vers des soirs pleins de gloire  !

                                    Albert Ferland (15 novembre 1908)



Tiré de : Albert Ferland, Le Canada chanté, livre troisième : L'âme des bois, Montréal, L'auteur éditeur / Déon & Frères, 1909, p. 17-18. 

Pour en savoir plus sur Albert Ferland, voyez la notice biographique et les documents sous son poème Au gré de l'onde (cliquer sur le titre).

D'Albert Ferland, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Le cri du poète ; Retour des corneilles ; Exaltation ; Les pins qui chantent (cliquer sur les titres).


Albert Ferland (1872-1943)

(Source : Richard Foisy, L'Arche
Montréal, VLB éditeur, 2009).

Illustration d'Albert Ferland accompagnant son poème Les ouaouarons,
 dans L'âme des bois, livre troisième de son recueil Le Canada chanté.

(Cliquer sur l'image pour l'élargir)

L'âme des bois, livre troisième du recueil
Le Canada chanté, d'Albert Ferland, d'où est
tiré le poème Les ouaouarons, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'élargir)

Cette petite enveloppe adressée de la main d'Albert
Ferland est collée dans un exemplaire du tome 2 de
sa série de recueils de poésies Le Canada chanté.
Elle contient deux cartons, l'un de vœux pour
l'année 1912 adressés à Léonidas Bachand, et
l'autre portant la signature du poète.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer
sur l'image pour l'élargir)


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