dimanche 25 avril 2021

"Vieille Pie" et "Pavot" s'échangent des rimettes

« Vieille Pie », pseudonyme de Célestine Trottier (1863-1944)
et « Pavot », pseudonyme d'Henri d'Arles (1870-1930)

(Sources : Célestine Trottier : Geneanet.org ;
Henri d'Arles : revue Le Forum, University of Maine)




Le « Moulin Trottier », Arthabaska.
Photo d'époque colorisée par nous.

« En revoyant ces lieux je pense
   Au temps où j'étais écolier,
   Quand je poussais l'impertinence
   D'aller jusqu'au « Moulin Trottier ».
- « Pavot », dans le poème ci-dessous.

(Source : Pierre Ducharme, Henri d'Arles : abbé singulier,
écrivain pluriel
, Québec, Collection Griffonnages, 2019)



    De « Pavot » à « Vieille Pie » :


   Je ne devais plus vous écrire
   Et je songeais à m'éloigner
   Quand le sort, pour me contredire,
   Vers vos parages m'a mené ;
   Un soir devant votre demeure
   On m'a fait passer en auto.
   Et depuis ce temps je pleure,
   Nul n'ayant reconnu Pavot.

   C'est donc ainsi que l'on oublie
   Ses vieux amis ? Mais j'aurais cru
   Qu'au moins Madame Vieille Pie
   D'un coup d'œil m'aurait reconnu ;
   C'est vrai qu'après si longue absence
   Il n'y a rien de surprenant
   Qu'on ait oublié son enfance
   Et ses camarades d'antan. 

   Sur votre balcon installée
   Vous faisiez sans doute des vers.
   Je vous aurais bien saluée,
   N'eussiez-vous eu les yeux en l'air.
   Vous inspiriez-vous de la lune, 
   Du Mont Christo ou du clocher ?
   Ah ! Je ne vous tiens pas rancune
   De ne pas m'avoir vu passer. 

   De la galerie la lumière
   Me fit entrevoir le gazon
   Et les fleurs de votre parterre
   Aux cent couleurs, aux mille tons. 
   Vous cultivez le lis, la rose
   Et toutes les fleurs avec art,
   Mais la fleur de choix, je suppose
   Que c'est votre époux Adélard ?

   En revoyant ces lieux, je pense
   Au temps où j'étais écolier,
   Quand je poussais l'impertinence
   D'aller jusqu'au « Moulin Trottier », 
   Grimpant pour cueillir la cerise ;
   Nous en mangions à qui mieux mieux. 
   Je vous revois sous l'arbre assise,
   Me regardant de vos grands yeux.

   Aux heures de la promenade, 
   Lorsque vous sortiez du couvent,
   Je me mettais en embuscade
   Pour vous saluer en passant. 
   J'étais gamin et vous gamine,
   Maintenant nous sommes deux vieux,
   Pardon Madame Célestine,
   Je prends ce mot pour rimer mieux. 

   Vous êtes plusieurs fois grand-mère,
   Je dois vous en féliciter,
   Mais moi j'ai la douleur amère
   D'être un vieux garçon indompté.
   Je voudrais pouvoir me reprendre
   Et ma vie la recommencer, 
   Me choisir une épouse tendre. 
   « Il est trop tard », dit mon passé.

                            Pavot (octobre 1928)


(Réponse de « Vieille Pie » ci-dessous)


Tiré de : Pierre Ducharme, Henri d'Arles : abbé singulier, écrivain pluriel, Québec, Collection Griffonnages, 2019, p. 183-185. Le poème est initialement paru dans L'Union des Cantons de l'Est, 25 octobre 1928



Dégel au Pont Rouge, Arthabaska.
Toile de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté.


   « Du Pont Rouge prenez la route
   À gauche en revenant du coin.
   À douze arpents, ce n'est pas loin,
   Vous vous le rappelez sans doute ».
- « Vieille Pie ». dans le poème ci-dessous.

(Source : Pierre Ducharme, Henri d'Arles : abbé singulier,
écrivain pluriel
, Québec, Collection Griffonnages, 2019)


    De « Vieille Pie » à « Pavot » :


   Du Pont Rouge prenez la route
   À gauche en revenant du coin.
   À douze arpents, ce n'est pas loin,
   Vous vous le rappelez sans doute. 

   Dans notre enfance, les autos
   Ne grimpaient pas les coteaux.
   À travers les cimes d'érables
   On voit la maison, les étables...

   Marche, marche au bout du chemin,
   C'est là qu'est planté le Moulin ! 
   La chaux, ainsi que la vieillesse
   Ont la manière pour blanchir :
   L'un conserve la jeunesse, 
   L'autre fait cesser de blondir.

   Pardon ! Pour votre habit gris perle,
   La poussière sur lui déferle : 
   Elle ne m'atteint pas ; sur moi
   La toile nargue sans effroi.
  
   Autre chose est la manivole,
   Que Larousse n'héberge pas ;
   J'en engagerais ma parole
   Qu'il la regrette, chapeau bas ! 

   Elle est tout à fait canadienne. 
   Ah ! Que longtemps, elle fut mienne !
   Elle enfarinait les plafonds,
   Le demi-minot, la mouture
   D'une impalpable garniture...
   L'arbre de couche attire, entrons
   Voir les Olivets, la grand'roue
   Où le jour durant, l'eau se joue
   Dans le sous-sol, puis au premier
   (Qu'il fait sombre, cet escalier)
   Fonctionnent des jolies turbines
   L'impressionnante machine.

   Une autre équipe d'ouvriers
   S'en revient avaler sa soupe...
   En plein bois la châsse découpe
   Croûtes, planches et madriers.
   L'eau refoulante de la dalle
   Aux vieux, fi donc ! serait fatale ?

   Retournons par le bord de l'eau
   Voir si nous sommes encore beaux. 
   Avant d'avoir la tête grise,
   Était-ce ici que vous montiez
   Manger des petites merises ?
   Était-ce ainsi que vous trottiez ?

                     Vieille Pie (février 1929)


Tiré de : Pierre Ducharme, Henri d'Arles : abbé singulier, écrivain pluriel, Québec, Collection Griffonnages, 2019, p. 178-180. Le poème est initialement paru dans L'Union des Cantons de l'Est, 7 février 1929.

« Pavot » est le nom de plume d'Henri d'Arles, qui lui même est le nom de plume de Henri Beaudet (1870-1930), natif d'Arthabaska, prêtre, esthète, historien, auteur du premier livre de critique d'art paru au Québec. D'Henri d'Arles, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté Caprice et Vœu

« Vieille Pie » est le nom de plume de Célestine Trottier, cousine de Henri d'Arles, née à Arthabaska le 4 avril 1863. Elle a épousé Adélard Picher à Arthabaska le 2 septembre 1885. Elle est décédée à Montréal le 13 janvier 1844, et fut inhumée à Arthabaska.
(Sources : Geneanet.org ; Le Devoir, 14 janvier 1944).

Pour en savoir plus sur Henri d'Arles, 
cliquer sur cette image : 



En 2010, est parue la première biographie
consacrée à Henri d'Arles, l'une des 
meilleures plumes que le Québec
aura produites, premier critique d'art,
esthète, homme de lettres et historien.
L'auteur de cet ouvrage remarquable
et captivant est Pierre Ducharme.
On peut trouver cette biographie 
seulement à la Librairie La Liberté, 
sur place ou par commande postale. 
Pour informations, cliquer sur 
la couverture du volume : 



En 1920, Henri d'Arles publiait un texte dans lequel
il expose la réalité des objectifs génocidaires des
Anglais lors de la Déportation des Acadiens de 1755.
Pour accéder à ce texte, cliquer sur cette image : 


Célestine Trottier alias « Vieille Pie »
et son époux Adélard Picher.

(Source : Geneanet.org)

Le Devoir, 14 janvier 1944.

(Source : BANQ)


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