Photo du mont Royal prise depuis l'une des tours de l'église Notre-Dame-de-Montréal au début des années 1900, époque où Auguste Charbonnier composa le poème ci-dessous. (Source : Archives de la Ville de Montréal ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Près des bords enchanteurs du fleuve Saint-Laurent,
Roulant son flot d'azur rapide, transparent,
Caressant tendrement de son onde joyeuse
Les gracieux contours d'une île merveilleuse,
Se dresse une montagne, unique en l'univers
Par sa forme, sa grâce et ses attraits divers.
Quand le printemps sur elle étend son vert feuillage,
Que de nombreux oiseaux charment de leur ramage,
Elle paraît alors aux yeux tout éblouis,
Magnifique émeraude en un chaton de prix.
Son sommet ne va point insulter le nuage
Qui poursuit, vagabond, son rapide voyage ;
Mendier au soleil les inféconds baisers
De quelques vieux rayons inconnus et glacés ;
Écraser de son poids, étouffer de son ombre
Un pauvre bourg, au fond de quelque ravin sombre.
Penché modestement vers la jeune cité
Que conduit par la main la fière Liberté,
Et qui, sous ses regards, s'épanouit, prospère,
Tel un enfant béni sous les yeux de sa mère,
Ce mont nommé Royal, mais combien paternel,
La défend des assauts du Circius cruel.
Quand les rayons de l'astre embrasent ses épaules,
Jouant à cache-cache à travers les vieux saules,
Les chênes, les pommiers, les érables, les pins,
Pailletant son sommet de feux d'or purpurins,
On dirait un lion secouant sa crinière,
S'apprêtant à bondir sur la vieille panthère
Qui voulut égorger ses premiers lionceaux,
Les livrer pantelants à d'immondes pourceaux !
Sur ses flancs ombragés, paradis des fauvettes,
S'abritent des villas nombreuses et coquettes ;
Et partout à son pied surgissent des hameaux,
Comme à l'Âge-Moyen les bourgs sous les châteaux,
Non pour chercher secours aux grands maux de la guerre,
Mais pour jouir des fruits d'une paix très prospère.
Lorsque, un soir de novembre, un Canadien passant
Foule ce mont sacré de son pied frémissant,
Il entend un concert de voix mélodieuses
Qui montent comme un souffle, et douces et joyeuses,
De la feuille tombée, à travers les rameaux
Des érables, des pins, des pommiers, des ormeaux,
Qui redisent tout bas une douce prière
Pour le mont tout entier, pour l'île tout entière.
Et ce souffle qui passe ainsi qu'un souvenir,
Évoquant le passé, plongeant dans l'avenir,
C'est l'âme des Cartier, des Champlain, Maisonneuve,
Des Champs Élyséens, viennent de l'au-delà,
Pour chanter Montréal et leur cher Canada.
Auguste Charbonnier *(1910)
Tiré de : Auguste Charbonnier, Gerbes du mont Royal, Montréal, 1910, p. 4-5.
* Auguste Charbonnier est né à Saint-Étienne (France) le 17 mars 1859. Il fit ses études classiques à Montbrison, où il étudia l'orgue, le piano, le violon, la flûte, le chant et l'harmonie et où aussi, à treize ans, il devint organiste de la paroisse. Il suivit ensuite les cours du lycée de Lyon, sous la direction du futur cardinal de Lavigerie. Il étudia ensuite la philosophie à Alix, à Feyzin, à Châteauroux, à Kouba (Algérie), puis la théologie à Koléa (Algérie), où il débuta sa carrière d'enseignant tout en exerçant la direction d'orchestre.
Venu en 1888 s'établir à Montréal, il fit partie de la rédaction de La Presse, dont il dirigea longtemps la « Ruche enfantine » sous le pseudonyme de « Parrain Gâteau ». Il devint tour à tour directeur des périodiques L'Album universel, Le Monde illustré et La Maison moderne. Tout premier abonné au journal Le Passe-Temps, il contribua considérablement au contenu de cet hebdomadaire musical et littéraire, où il publia notamment, outre de nombreuses chroniques d'actualité sous le pseudonyme de « Jean Pic », des cours d'harmonie musicale et de nombreuses compositions instrumentales et vocales, en plus de s'être occupé de la rédaction du « Coin des enfants » de ce périodique.
Directeur de l'école « La Presse », située sur l'avenue du Parc-Lafontaine à Montréal, il enseigna la musique, les belles-lettres et les sciences, en plus d'être préparateur d'examens pour les études de droit, de médecine et de pharmacie. Il a été écrit que « plus d'un lui doivent leur formation ».
Il a publié deux ouvrages : Nouveaux échos du mont Royal (chansons, contes, récits et nouvelles, 1907) et Gerbes du mont Royal (poésie, 1910).
Auguste Charbonnier est mort à Montréal le 26 décembre 1920. Il avait épousé Hélène Chalifour en 1889.
(Sources : La Presse, 26 décembre 1920 ; Le Devoir, 27 décembre 1927 ; Le Passe-Temps, 8 janvier 1921).
Auguste Charbonnier (1859-1920) Portrait par Napoléon Savard. (Source : Le Passe-Temps, 8 janvier 1921) |
Gerbes du mont Royal, recueil d'Auguste Charbonnier d'où est tiré le poème Le mont Royal, ci-haut. On peut le télécharger ICI. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Auguste Charbonnier (Source : Le Passe-Temps, 26 décembre 1908) |
Auguste Charbonnier a composé plusieurs
œuvres musicales, dont cette Ritournelle,
valse pour piano. Pour en écouter une
interprétation par Michel Du Paul,
cliquer sur cette image :
Annonce des services qu'offrait Auguste Charbonnier à titre d'enseignant et de préparateur aux examens, parue dans Le Passe-Temps du 15 octobre 1910. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Recension du recueil Gerbes du mont Royal dans L'Étoile du Nord (Joliette) du 26 mai 1910. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Devoir, 26 avril 1910. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
La Presse, 27 décembre 1920. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Devoir, 27 décembre 1910. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Passe-Temps, 8 janvier 1921. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
La Presse, 27 décembre 1920. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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