jeudi 30 mai 2019

Le vieux parler

Nérée Beauchemin (1850-1931)
Photo inédite

(Source : Yamachiche, son histoire, son
patrimoine
; avec un spécial merci
à M. André Desaulniers)




   Si je le parle, à coeur de jour,
   Au pays avec les miens, comme
   Au grand siècle tout gentilhomme
   Le parlait aux abbés de cour,
   C'est... Ains seulement par amour. 

   Ce français vieillot qu'on dédaigne,
   Il est natif d'un haut Poitou
   Et d'un lointain Paris itou.
   Ces termes, que le chaume enseigne,
   Ce sont des termes de Montaigne.

   Le mot local, très clair, s'entend ;
   Du puriste il choque l'oreille ;
   Malgré tout, comme il s'appareille,
   Et comme il s'accorde pourtant
   Avec la parlure d'antan. 

   L'Habitant, dit-on, baragouine.
   L'habitant patoise ? C'est faux. 
   Il remet au jour des joyaux
   Qu'incruste souvent la patine
   Et l'illustre rouille latine. 

   Oyez le parler du hameau :
   Il coule comme aux goutterelles 
   Coulent les sèves naturelles ;
   Il coule aux lèvres comme l'eau
   Des érables au renouveau. 

   Mais que l'émoi d'un coeur l'anime,
   Ce vieux français, c'est tout chez nous ;
   Sous ses aspects âpres et doux,
   Ce langage simple et sublime,
   C'est toute la patrie intime.

   Si le papier le souffre ici, 
   Oh ! c'est rapport à la victoire
   Des patriotes de l'histoire !
   Si je le parle encore ainsi, 
   À Dieu, grand'grâce et grand merci ! 

   Durant trois siècles d'affilée,
   La première langue du sol
   A lutté sans peur et sans dol
   Malgré rafale et giboulée,
   L'honneur et le droit l'ont parlée. 

   Le verbe du clocher natal
   A gardé toute sa puissance
   Et le vieil esprit de la France
   Poursuit l'ancien chemin royal
   Vers les grands fonds de l'Idéal. 

                   Nérée Beauchemin (1914)



Tiré de : Nérée Beauchemin, Patrie intime, Montréal, Librairie d'Action canadienne-française, 1928, p. 150-152. 

Pour en savoir plus sur Nérée Beauchemin, voyez ces deux articles présentés par les Glanures historiques québécoises


De Nérée Beauchemin, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Une correspondance poétique ; La bonne France ; France ; Une sainte ; Le sapin de Noël



Patrie intime, recueil de poésies de
Nérée Beauchemin, d'où est tiré le
poème Le vieux parler, ci-haut.

On peut trouver de rares exemplaires de
l'édition originale chez O Vieux Bouquins
et chez Jean-Claude Veilleux. 

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

On peut encore se procurer sur
commande dans toute bonne
librairie cette édition, la plus
récente, de Patrie intime.
Pour informations, cliquer ICI.

Dédicace manuscrite de Nérée Beauchemin
dans son recueil Patrie intime et adressée
au comédien Camille Ducharme, qui alors
avait 23 ans et qui lui avait rendu visite en
mars 1931, soit trois mois avant la mort du
poète, à sa maison d'Yamachiche.

Pour prendre connaissance des circonstances
dans lesquelles fut écrite cette dédicace d'une
valeur exceptionnelle, cliquer ICI.

Maison de Nérée Beauchemin à Yamachiche. Elle est conservée dans le même
  état qu'à l'époque où le poète y vécut jusqu'à sa mort en 1931.

(Photo : Daniel Laprès, 5 août 2016 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Plaque commémorative sur la façade de
la maison de Nérée Beauchemin.

(Photo : Daniel Laprès, 5 août 2016)

Nérée Beauchemin devant sa maison en 1928, déclamant
des poèmes tirés de son recueil Patrie intime, qui venait
alors de sortir de presse. 

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La municipalité d'Yamachiche a su honorer d'une manière remarquable et unique
 la mémoire de son poète-médecin Nérée Beauchemin. Ainsi, un immense portrait
de celui-ci,  qui est une reproduction d'un fusain de Rodolphe Duguay, orne la salle
 du conseil municipal. Yamachiche montre ainsi la voie à toutes les municipalités
qui cherchent à honorer le souvenir de leurs citoyens ayant contribué à enrichir
le terreau culturel et littéraire du Québec.

(Photo : René Girard et Daniel Laprès, 28 mai 2019 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Monument funéraire de Nérée Beauchemin à l'entrée du cimetière d'Yamachiche.

(Photo Daniel Laprès, 5 août 2016 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image : 

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