lundi 15 juin 2020

La maison de Gérin

Antoine Gérin-Lajoie (1824-1882) et sa maison natale à Yamachiche.

Lieu historique national, on a quand même permis la
démolition de cette maison il y a quelques années.

(Photos : Patrimoine culturel du Québec)




      Vieille demeure canadienne,
      Dont l'âge et la solidité 
      Expriment bien la race ancienne,
      Et son orgueil d'être terrienne,
      Et son rêve d'éternité. 

      L'homme pieux qui t'a bâtie 
      Repose à l'ombre du clocher ;
      Mais la vivante sympathie
      Qui te fut toujours départie,
      Le temps ne peut te l'arracher. 

      Quel prix as-tu donc, quel mérite,
      Devant l'histoire et devant Dieu ?
      Maison qu'une ombre chère habite,
      Est-ce d'avoir été bénite
      Par le premier curé du lieu ?

      Demeure entre toutes aimée
      De tes anges et de tes saints,
      D'où vient-elle, ta renommée,
      Toi qui vécus toujours fermée
      À nos ambitieux desseins ?

      Retraite où le doux solitaire,
      François de Sales, eut trouvé 
      Pour y vivre la vie austère,
      La paix, le calme, le mystère
      Du cher petit coin tant rêvé !

      Dans le décor des vieilles choses
      Que le ciel se plaît à bénir, 
      Quelles prestigieuses causes
      Attirent vers tes portes closes
      Les pèlerins du souvenir ?

      Dans un lointain de rêverie, 
      N'entends-tu pas le bruit profond, 
      La grave louange attendrie
      De cette petite patrie
      Dont le cœur répond ?

      Maison des aïeux, c'est la terre,
      Une au foyer, une à l'autel, 
      Qui ne peut oublier ni taire
      Tout ce que l'âme héréditaire
      A produit de plus immortel. 

      Ils viennent, enchantés, sans doute,
      Par le dolent et doux refrain,
      L'air que, sans pleurer, nul n'écoute,
      L'air nostalgique où vibre toute
      L'âme divine de Gérin ;

      Peuple qu'un même amour inspire,
      Ils ont voulu qu'un fier métal, 
      Pour les siècles, fasse reluire
      Le nom de l'aède et la lyre,
      De tout l'or du soleil natal ;

      Et tous, devant l'image agreste
      Que respecte le bon passant,
      Ils ont, avec le même geste,
      Glorifié tout ce qui reste, 
      Tout ce qui charme en vieillissant.

      Et toi, qu'il évoque en son livre,
      Mère auguste, c'est ta bonté
      Qui, jusqu'au bout, lui fit poursuivre
      L'ouvrage qui le fait survivre : 
      C'est par ton cœur qu'il a chanté. 

      Chère morte, ombre sainte, agrée
      Les honneurs dont il se défend.
      Que ta maison nous soit sacrée !
      Qu'elle soit à jamais parée
      De la gloire de ton enfant  !

                   Nérée Beauchemin (1924) 



Tiré de : Nérée Beauchemin, Patrie intime, Montréal, Librairie d'Action canadienne-française, 1928, p. 189-191. Le poème est précédemment paru dans : Léon Gérin (dir.), Antoine Gérin-Lajoie : La résurrection d'un patriote canadien, Montréal, Éditions du Devoir, 1925, p. 151-154. 

Pour en savoir plus sur Antoine Gérin-Lajoie, voyez la notice biographique sous son poème Que diriez-vous, héros de Nouvelle-France ?

Pour en savoir plus sur Nérée Beauchemin, cliquez sur cette image : 


Le poème La maison de Gérin, ci-haut, est tiré
de Patrie intime, recueil de Nérée Beauchemin.


(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Ce livre contient les actes des cérémonies
commémoratives du centenaire de la
naissance d'Antoine Gérin-Lajoie. Le
poème ci-haut, que Nérée Beauchemin
avait dit à cette occasion, est inclus dans
l'ouvrage, que l'on peut consulter ou
télécharger gratuitement en cliquant ICI.

Quelques exemplaires de l'édition originale
sont encore disponibles, cliquer ICI.


(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


En 1842, l'abbé Jean-Baptiste Ferland, l'un de nos historiens 
 majeurs, avait défriché à la hache cette clairière dans le 
« bocage » du Séminaire de Nicolet, dont il était alors le 
recteur, avec pour but d'en faire le site de la fondation 
de l'Académie littéraire, dont Antoine Gérin-Lajoie, 
alors étudiant, fut le premier président. 

Cliquer sur cette image pour une brève vidéo 
présentant cette clairière :



Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image : 

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