jeudi 20 février 2020

L'exultation d'être vivant

Alphonse Beauregard (1881-1924)

(Source : Dictionnaire des auteurs de
langue française en Amérique du Nord
)
 




   Que tu la couvres bien, la mort, terre coquette !
              Depuis des temps indéfinis
   Tu reprends dans ton sein la chair et le squelette
              De ceux que la vie a bannis.

   Tu fauches sans compter, dans ton indifférence,
              Enfant, vieillard, forêt, roseau,
   Et ta face toujours garde un air d'innocence,
              Un sourire infiniment beau. 

   Je sais que je devrai moi-même disparaître,
              Comme un insecte après l'été,
   Mais je vois de si gais chemins de ma fenêtre
              Qu'un spectre n'y peut habiter. 

   Une si bonne odeur plane sur les prairies, 
              L'eau me berce avec tant d'amour,
   Les bois pleins de soleil ont de telles féeries,
              La neige est un si blanc velours.

   Que si je trouve, ô terre, un crâne sous ma pioche,
              Loin d'aller gémir dans le vent, 
   Au lieu de m'effrayer de la mort toujours proche,
              J'exulte d'être encor vivant.

                                             Alphonse Beauregard (1912)



Ce poème, dont le titre original est « Réflexions », est tiré de : Alphonse Beauregard, Les forces, Montréal, Arbour & Dupont Imprimeurs-Éditeurs, 1912, p. 120-121. 

Pour en savoir plus sur Alphonse Beauregard, voyez la notice biographique sous son poème Survivre, de même que les documents sous son poème Bonheur lucide


Le poème ci-haut, dont le titre original est
« Réflexions », est tiré de Les forces, recueil
d'Alphonse Beauregard. Devenu rarissime,
on peut s'en procurer ICI un exemplaire.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Le critique littéraire Louis Dantin a publié une étude sur Alphonse 
Beauregard dans le premier volume (1928) de son ouvrage 
Poètes de l'Amérique française.
Pour consulter l'étude de Dantin, cliquer sur cette image : 


Le dessinateur Albert E. Dumont a fait
paraître ce portrait d'Alphonse Beauregard
dans Le Nationaliste du 21 mai 1911.

(Source : BANQ)


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Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

4 commentaires:

  1. Je salue votre belle initiative. Ces coups de pioche que vous donnez, malgré l’oubli généralisé, dans l’indifférence où la terre se referme sur des poètes d’autrefois, nous font découvrir de vieux crânes auxquels vous redonnez vie. Grâce à votre vigilance, nous retrouvons des œuvres négligées.

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    1. Ah j'apprécie ce commentaire de Daniel Guénette! C'est tellement vrai! Et si bien dit...

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    2. Je ne peux qu'apporter mon soutien aux propos de Daniel Guénette au sujet du travail que vous poursuivez inlassablement depuis des années, M.Laprès. Je demeure un lecteur assidu des Poésies québécoises oubliées.

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  2. Beauregard m’était inconnu. Son crâne sous la pioche m’ayant séduit, j’ouvre l’anthologie Mailhot-Nepveu afin de découvrir un ou deux autres de ses poèmes. J’y lis « Impuissance », extrait de Les Alternances. Ce poème, l’un ou l’autre de nos poètes contemporains aurait presque pu l’écrire ce matin. Ses vers n’ont rien de suranné. Ils expriment une angoisse toujours actuelle ; le poète se heurte à une absurdité qui nous est familière : « Chaque matin je suis mordu/ Du besoin d’aller vers un but/ Que mon désir découpe au lointain, dans la paix. / Plus loin, toujours plus loin la plaine reposante ! / Et je marche… mais quand j’arrive,/ Comme si j’apportais avec moi la tourmente,/ Je trouve une prairie hérissée par le vent. »

    Je félicite Daniel Laprès. Il ne m’en voudra pas de souligner le parfait accord que je vois entre son patronyme et son activité. À rebours du fossoyeur qui plonge les morts et leurs mots dans l’oubli, il leur redonne vie. L’après existe grâce à lui. « Magiquement croît la forêt/Où jadis l’herbe s’étalait. » Je n’aurais pas lu ces très beaux vers de Beauregard sans le travail des Poésies québécoises oubliées. Merci.

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