Rodolphe Chevrier (1868-1949) (Source : son recueil Tendres choses, 1892) |
Aux mauvais jours de l'hiver, quand la tempête sombre
Jette à l'écho des cris et des clameurs sans nombre ;
Quand le vent furieux semble tout soulever
Et que l'on voit le ciel et son coeur s'emplir d'ombre
Qui n'aime à rêver ?
Dans le réchauffement de l'affreuse tourmente,
Dans les noirs tourbillons dont la meute écumante
Bouleverse l'espace à nos yeux effacé,
Comme un phare joyeux, l'âme triste et songeante
Revoit le passé.
Et, plongeant dans ses mains son front brûlé de fièvre,
Regrettant les plaisirs fanés sous notre lèvre,
On rappelle à nos yeux ces jours sans lendemain,
Évoque ces bonheurs dont l'existence sèvre
Trop tôt les humains.
Et tout-à-coup saisi d'un calme et sain délire,
De nos doigts incertains on décroche sa lyre
Et l'on jette au papier quelques rythmes rêveurs,
Quelques vers effacés, même avant de les lire,
Sous un flot de pleurs.
Pauvres amours tués par la neige et le givre ;
Époque de splendeurs dont notre coeur s'enivre ;
Moments de douce ivresse, heureux jours filés d'or,
L'on donnerait joyeux ce qu'il nous reste à vivre
Pour vous vivre encore !
Ô ces premiers liens ! Cette première flamme !
Ô vases parfumés d'un enivrant dictame
Où l'on but même un peu de regret et de fiel,
En vous brisant le Temps a tendu dans notre âme
Un deuil éternel.
Le vent hurle au dehors, siffle, gémit et brise,
Mais voué tout entier à cette morte exquise,
Notre jeunesse aimée aux séduisants atours,
Et perdu dans l'extase où notre âme se grise,
L'on rêve toujours...
Rodolphe Chevrier (1888)
Jette à l'écho des cris et des clameurs sans nombre ;
Quand le vent furieux semble tout soulever
Et que l'on voit le ciel et son coeur s'emplir d'ombre
Qui n'aime à rêver ?
Dans le réchauffement de l'affreuse tourmente,
Dans les noirs tourbillons dont la meute écumante
Bouleverse l'espace à nos yeux effacé,
Comme un phare joyeux, l'âme triste et songeante
Revoit le passé.
Et, plongeant dans ses mains son front brûlé de fièvre,
Regrettant les plaisirs fanés sous notre lèvre,
On rappelle à nos yeux ces jours sans lendemain,
Évoque ces bonheurs dont l'existence sèvre
Trop tôt les humains.
Et tout-à-coup saisi d'un calme et sain délire,
De nos doigts incertains on décroche sa lyre
Et l'on jette au papier quelques rythmes rêveurs,
Quelques vers effacés, même avant de les lire,
Sous un flot de pleurs.
Pauvres amours tués par la neige et le givre ;
Époque de splendeurs dont notre coeur s'enivre ;
Moments de douce ivresse, heureux jours filés d'or,
L'on donnerait joyeux ce qu'il nous reste à vivre
Pour vous vivre encore !
Ô ces premiers liens ! Cette première flamme !
Ô vases parfumés d'un enivrant dictame
Où l'on but même un peu de regret et de fiel,
En vous brisant le Temps a tendu dans notre âme
Un deuil éternel.
Le vent hurle au dehors, siffle, gémit et brise,
Mais voué tout entier à cette morte exquise,
Notre jeunesse aimée aux séduisants atours,
Et perdu dans l'extase où notre âme se grise,
L'on rêve toujours...
Rodolphe Chevrier (1888)
Tiré de : Rodolphe Chevrier, Tendres choses, Montréal, J. P. Bédard Imprimeur-Éditeur, 1892, p. 93-95.
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Tendres choses, recueil de Rodolphe Chevrier d'où est tiré le poème Rêverie, ci-haut. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dans sa fort bien faite Anthologie de la poésie québécoise du XIXe siècle, parue en 1979, John Hare a fait une place à quelques poèmes de Rodolphe Chevrier. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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