samedi 29 juin 2019

Campagnes laurentiennes : Été

Matinée d'été, Arthabaska, de Suzor-Coté, 1909

(Source : Suzor-Coté, lumière et matière, p. 190)





   Tout être, par instinct, engendre dans sa fleur,
   Mais cet acte béni, tout puissant, créateur,
   En dirigeant les coeurs loin des choses frivoles,
   Fait tomber les décors et fane les corolles.
   En faisant son cadeau, la fleur a dû pâlir, 
   Car le fruit de son sein la fait toujours mourir,
   Comme si le grand fait d'avoir donné la vie
   Indiquait clairement que son oeuvre est finie, 
   Je ne sais. Toutefois, c'en est fait du printemps
   Qui s'éloigne à regrets mais non pas pour longtemps.
   L'été prend l'orphelin, je dirais, dans les langes,
   Pour former un beau fruit de bonté sans mélange.
   Car il a mission d'aller prendre au berceau
   L'être dont il doit faire un excellent cadeau. 

   Dans tout pays, l'été, c'est la saison active,
   Le temps éducateur, l'époque productive, 
   Le grand effort du sol, la puissante action
   Qui fait croître les grains de la blonde moisson.
   C'est en cette saison qu'un travail très intense
   Donne à tout ce qui vit une forte croissance.
   Oui, c'est pendant l'été que le monde grandit, 
   Que la plante s'élève et la plaine mûrit. 
   Il n'est pas étonnant qu'avec tant de largesses
   L'été montre toujours de très grandes richesses ; 
   Que partout les habits dont il couvre son corps
   Et l'éclat des couleurs qui forment ses décors
   Aient un cachet de force et de magnificence
   Qu'il nous faut préférer aux grâces de l'enfance. 
   La vie et la santé qui règnent dans ses traits
   Mettent dans leur beauté les plus puissants attraits.

   Si dans tous les pays on peut voir ces parures
   Au milieu des prés verts et des champs en cultures,
   Nulle part sur la terre on a pu contempler
   Un spectacle aussi grand, ou vu se dérouler
   D'aussi riches décors, d'aspects plus grandioses
   Qu'en mon pays natal, après le temps des roses !

   Rien n'égale le teint des habits somptueux
   Qui rendent mon pays le plus majestueux.
   Car l'été de chez nous, dans nos plaines natales,
   Garde une majesté qui reste sans rivale.
   C'est comme un rendez-vous de toutes les splendeurs
   Où le Ciel a placé les plus nobles grandeurs. 

   Voyez-vous, notre sol, plein d'une sève neuve,
   Se charge de beaux plants que la rosée abreuve.
   Son repos fut si long dans les siècles passés,
   Sous les grands bois d'érable et les chênes pressés,
   Que la vie, en son sein, circule débordante,
   Pour se manifester de façon surprenante
   Dans les dons généreux de nos riches moissons
   Se déroulant sans fin vers les quatre horizons,
   Depuis le Saint-Laurent jusqu'aux douces montagnes
   Qui montrent leurs fronts bleus aux confins des campagnes.

   Mais pendant tout le temps de la fécondité, 
   Il sait comment unir la force et la beauté.
   Il change par degré le teint du paysage
   Et transforme l'aspect du merveilleux ouvrage.
   Quand les grains de froment que l'homme avait semés,
   Un peu lents à sortir, se sont enfin montrés,
   Leurs petits brins ténus sont comme une herbe tendre
   Qui ploie aux doux zéphirs que l'air daigne répandre. 
   Il réjouit déjà le bon regard humain,
   Qui voit dans ce duvet la moisson de demain.
   Maintenant sa couleur d'un léger ton vert pâle,
   Prendra dans quelques jours une teinte plus mâle,
   Qui finit par se fondre avec celle des foins
   Couvrant d'un seul décor nos prés et nos chemins.

   Sur le bord de ceux-ci, de gracieux visages
   Ont l'air de nous sourire à travers les feuillages : 
   Ce sont nos doux foyers, des arbres, des bouquets
   Les cachant à demi, sous de jolis bosquets.
   Les feuilles sur leurs fronts décrivent des guirlandes
   Et portent la fraîcheur aux fleurs des plates-bandes.
   Le modeste foyer, peint de vert et de blanc,
   Rayonne de bonheur à l'ombre du bois franc. 
   De robustes enfants dans les taillis fourmillent
   Non loin de leurs parents, qui de bonheur scintillent.

   C'est pendant les beaux jours faits pour se reposer,
   Tandis que croît le foin, qu'il faudra moissonner. 
   Jours d'un exquis bonheur, pleins de ferme espérance,
   Au sein même du champ qui promet l'abondance,
   À l'ombre d'un érable, on voit les deux époux
   Promener leurs regards sur deux objets bien doux : 
   Leurs enfants bien-aimés et la grande culture. 
   Car pour garder la vie, il faut la nourriture.
   Parents, dormez en paix et quittez ces soucis ; 
   Comptez vos beaux enfants sur la pelouse assis,
   Le froment qui grandit dans la campagne immense
   Apportera leur vie et votre récompense.
   Car le sol de chez nous, toujours si généreux,
   N'a pas encore porté des enfants malheureux. 

   Quand un sol se revêt avec tant d'opulence,
   C'est que son coeur vers nous, avec bonté, s'avance.
   Regardez sa splendeur au milieu de l'été : 
   Pourrait-on concevoir un être mieux paré ?
   Sur nos champs sans limite une verte fourrure
   Déroule avec orgueil une mer de verdure.
   Sur elle, par endroits, des chênes vigoureux
   Placent dans les hauteurs leurs arceaux gracieux, 
   Formant sous le ciel bleu de très riches coupoles
   Dont les airs de grandeur nous laissent sans paroles.

   Souvent dans la campagne un flot poursuit son cours,
   Entre le vert gazon faisant mille détours.
   La fraîcheur de la nuit en gouttes d'eau déferle,
   Laissant voir sur les plants de beaux filets de perles.
   Les touches du soleil essuient bientôt les pleurs
   Qui font une rosée au souffle des froideurs.
   Comme aux baisers d'amour d'une personne aimée,
   La verdure s'éveille et la brise embaumée
   Qui suit notre soleil en ses jours glorieux
   Pour mettre un peu de frais dans l'ardeur de ses feux,
   Courbe de notre sol la verte chevelure,
   Laissant voir un ton pourpre au front de la verdure. 
   À ce souffle léger, tendre comme un soupir, 
   La cime des grands foins commence à tressaillir.
   Puis leurs flots moelleux, comme la mer, ondulent
   Avec un chant discret que les zéphirs modulent. 

   À l'ombre des rameaux qui bornent les maisons,
   La famille folâtre ou dort sur les gazons,
   Pendant que les bébés babillent sous l'ombrage
   Et que nos oiseaux bleus chantent dans le feuillage.
   Moments délicieux et d'exquise douceur
   Où le bon habitant trouve le vrai bonheur, 
   Car dans ce long repos au sein de la campagne,
   Il vit loin du tracas et la paix l'accompagne. 
   Pendant ce temps, la brise a caressé les foins
   Et la chaleur du jour a prodigué ses biens. 

   Mais déjà le beau disque à l'occident s'incline,
   Et le jour, fatigué, vers le couchant décline.
   C'est le moment mystique où la terre et le ciel
   S'unissent vers le soir pour prier l'Éternel.  
   Ses flots dans la verdure ont arrêté leurs ondes,
   Pendant que le soleil descend vers d'autres mondes.
   Puis, tout ce beau velours, depuis l'aurore actif,
   Cesse tout mouvement et demeure attentif.
   Devant l'astre mourant qu'un nouveau midi accueille,
   Le ciel reste muet, la terre se recueille. 
   Les murmures lointains se taisent par degrés ; 
   Des beaux décors du soir les champs se sont parés.

   Dans ce calme imposant, au sein du grand silence,
   Parfois un chant d'oiseau vers le beau ciel s'élance.
   Dans les foyers ouverts, on cause doucement,
   Subjugués par l'aspect du sublime moment. 
   Il règne dans les airs une faible pénombre,
   Puis doucement, sans bruit, la lune au bord des cieux
   Élève avec lenteur son disque mielleux.
   Partout l'espace luit à la lumière douce
   Qu'elle projette au loin en poursuivant sa course.
   Le coucher du soleil appelle le retour
   De celle qui, la nuit, nous offre un demi-jour.
   C'est le sommeil, tout dort : la plaine qui repose
   Ignore la bonté qui sur son front se pose.
   Les chênes endormis ont un aspect rêveur
   Et semblent pénétrés de force et de douceur. 

   Souvent, j'ai contemplé, pendant les nuits paisibles,
   Le spectacle étonnant de ces beautés sensibles. 
   Le temps a fait son oeuvre et les nombreux efforts
   De deux mois de travail ont fait les plants plus forts. 
   La tige du froment, déjà beaucoup plus ferme, 
   Achève la croissance et nous montre son terme.
   L'extrémité des plants a de jolis boutons
   Où se cache l'épi que bientôt nous verrons.
   Chaque bouton, demain, nous fera son obole ;
   Le fermier, qui le sait, remarque le symbole.

   À différents endroits, on voit les champs pâlir ; 
   Le soleil, en chauffant, déjà les fait blanchir.
   Quand la robe des champs devient multicolore,
   C'est un signe certain que le grain vient d'éclore.
   On pourra les cueillir quand les épis plus longs
   Se seront revêtus de vêtements tout blonds.
   C'est la fin de l'été tout près de la verdure ; 
   L'homme voit onduler la moisson déjà mûre.
   Sous leurs charges de fruits, les arbres sont courbés
   Et par leurs dons exquis nos voeux sont comblés.

   Alors l'habitant sur cette plaine blonde
   Fixe son regard, car le froment abonde.
   L'été, de son travail, lui présente les fruits
   Auxquels il a donné et ses jours et ses nuits.
   Vers l'homme, roi du monde, avec amour il penche.
   Celui-là, heureux, ouvre une main peu blanche.
   Pendant trois mois, les plants, comme des gens pieux,
   Ont reçu leur vigueur de la terre et des cieux. 
   Les pieds fixés au sol, la tête vers les cimes,
   Ils ont vécu de glèbe et de souffles sublimes.
   Depuis les jours bénis, le temps générateur,
   À la fin de l'été, le grand éducateur,
   Ces deux sources de vie et de forte croissance,
   Les ont comblés de biens avec surabondance. 
   Mais avant la saison qui les fera mourir,
   Ils offrent leurs cadeaux à qui veut les cueillir.

                                   Modeste Champoux (1917)




Tiré de : revue Le Pays laurentien, novembre-décembre 1917.

Pour en savoir plus sur Modeste Champoux, cliquer ICI.  

De Modeste Champoux, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Petite barcarolle.  


Modeste Champoux (1881-1918)

(Source : Les Eudistes)

Dédicace manuscrite de Modeste Champoux dans la brochure
de son recueil La vieille maison - Petite barcarolle (1916)

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le poème Campagnes laurentiennes : ÉTÉ,
ci-haut, a été publié dans le journal L'Étoile
du Nord
, de Joliette, et dans le numéro de
novembre-décembre 1917 de la revue
Le Pays laurentien, que l'on peut consulter
ou télécharger gratuitement ICI.


(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
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mercredi 26 juin 2019

La sittelle

Gédéon Boucher (1893-1945)

(Source : A. Forget, Histoire du
Collège de l'Assomption
, 1933)




   On entend des « Coin-Coin » dans la rugueuse plaine ; 
   Les sittelles sont là, chantant leur turlutaine.
   Voyez-les, toutes deux, qui montent pas à pas
   Puis, faisant demi-tour, descendent tête en bas !

   Elles vont, canardant, sans se presser, sans gêne ;
   Piquant, à chaque arrêt, de leur bec en alène,
   De minuscules œufs qu'on ne voit même pas
   Au tronc moussu de l'arbre ou sur les rameaux bas.

   En détruisant ainsi l'insecte avant naissance,
   Elles brûlent l'ivraie alors qu'elle est semence ; 
   Enrayent le fléau, devant qu'il ne soit grand.

   Le dos de ces oiseaux est gris bleu de pénombre ;
   Les dessous blancs, lavés de brun ; la tête est sombre.
   Ils demeurent chez nous les douze mois durant. 

                                    Gédéon Boucher(1940) 




Tiré de : Gédéon Boucher, Gazouillis, Saint-Jean-sur-Richelieu, Les Éditions du Richelieu, 1940, p. 53. 

*  Gédéon Boucher est né à Saint-Damien-de-Brandon le 21 février 1893, d'Euclide Boucher, fromager, et d'Emma Forest. Il fit ses études sous la direction des Frères Maristes. Il étudia le violon sous la direction de Georges Milo, et le piano et l'orgue avec le Frère Marius-Antoine. Longtemps élève d'Alfred Lamoureux pour le chant et l'harmonie, il poursuivit ses études de piano et d'orgue sous la direction de Caroline Racicot
   Organiste à Chambly à partir de 1916, il devint en 1926 professeur de musique au Collège de l'Assomption et professeur-adjoint à l'École classique de musique et de diction, à Montréal. Ayant composé plusieurs partitions musicales, il a mis sur scène en 1930 un drame lyrique, Les Martyrs canadiens. Durant plusieurs années et jusqu'à quelques semaines avant son décès, il fut organiste à l'église paroissiale de L'Assomption.
   Il collabora à divers journaux et périodiques, dont L'Action populaire (Joliette), La Boussole, L'Essor et Le Devoir, où il fut chroniqueur régulier de 1940 à 1945. Ses articles étaient souvent signés de pseudonymes dont les plus connus sont « Gros Jean » et « Noé de Cherbourg ». Epris de nature et de faune, il appuya le Cercle des jeunes naturalistes du Collège de l'Assomption. Il a publié deux ouvrages, contenant notamment des poésies, sur  la faune et la nature : Gazouillis (1940) et Aux aguets (1942).
   Gédéon Boucher est mort à Joliette le 24 octobre 1945. Il avait épousé Berthe Dulude à Saint-Joseph-de-Chambly le 18 avril 1918. 
(Sources : Anastase Forget, Histoire du Collège de l'Assomption, Montréal, 1933, p. 432 ; p. 425 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 3, Montréal, éditions Fides, 1982, p. 425 ; Le Devoir, 24 octobre 1945 ; Ancestry.ca)


Le sonnet La sittelle, ci-haut, est tiré du
recueil Gazouillis, de Gédéon Boucher.
On peut en trouver un exemplaire à la
librairie La Cargaison, sinon ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans Gazouillis, le sonnet La Sittelle est accompagné
de ce fusain de Roland Jolicoeur, qui était étudiant au
Collège de l'Assomption, où enseignait Gédéon Boucher.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Signature manuscrite de Gédéon Boucher dans
un exemplaire de son recueil Aux Aguets.

(Collection Daniel Laprès ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

De 1926 à sa mort en 1945 à l'âge de 52 ans, Gédéon Boucher
enseigna la musique au Collège de l'Assomption.

(Source : Patrimoine culturel du Québec ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Gédéon Ouimet en tant que naturaliste.

(Source : 125e - Collège de l'Assomption, 1958, p. 76 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Recension de Gazouillis dans Le Devoir du 14 juin 1941.
L'auteure de l'article est Josette Raymond.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans l'hebdomadaire Le Bien Public, de Trois-Rivières,
Jeanne L'Archevêque-Duguay a publié cette recension
de Gazouillis, le 5 décembre 1940.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir
)

Mention de Gazouillis dans Le Progrès
du Saguenay
du 5 décembre 1940.

(Source : BANQ ; cliquet sur l'image pour l'agrandir)

Mention de Gazouillis dans le numéro de décembre 1940
de la revue Le Canada français, de l'Université Laval.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans Le Devoir du 24 octobre 1945
à l'occasion de la mort de Gédéon Boucher.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

L'Action populaire (Joliette), 25 octobre 1945.

(Source : BANQ : cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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dimanche 23 juin 2019

Sur le lac

« Payse », nom de plume de 
Gabrielle Saint-Pierre-Dugal (1884-1965)

(Source : Musée du Bas-Saint-Laurent)





                                Lac des Cèdres, août 1922


L'AUBE

   Sur le lac d'or, lentement l'aube glisse
   D'un pied léger, mirant son voile clair :
   L'eau rose luit, sans une ombre, une lisse !
   Comme une perle aux plis d'un velours vert. 

   Les cygnes noirs, levant leur tête altière
   Et leur long col, s'éveillent doucement : 
   Une aile bat... et c'est, dans la lumière,
   Sur l'eau glacée un étincellement ! 

   Au jeune dieu qui verse la rosée
   Les nénuphars offrent leur coupe en fleurs :
   Tel un nectar, en vapeur irisée,
   Les pins géants exhalent leurs odeurs !

À MIDI 

   L'éblouissant soleil de midi nous inonde ;
   Les oiseaux se sont tus ; dans la plaine féconde
   Les moissonneurs sont las : à leur geste alourdi
   La faulx ne jette plus son grand éclair hardi !

   La libellule bleue aux ailes transparentes
   Bourdonne et baise au front les frêles amarantes ;
   Le lac est une coupe au cristal miroitant !
   Une vasque de flamme ! Un creuset d'or géant ! 

   Les faunes aux sous-bois, dans la folle allégresse
   Du jour épanoui, dansent avec ivresse !
   De jeunes voix au loin se répondent en choeur !...
   Enchantement ! Midi ! Fleur de l'été vainqueur ! 

CLAIR DE LUNE

   Sur le lac de moire,
   Ma barque d'ivoire
   Flotte au gré du vent !
   Le ciel plein d'étoiles
   Attache à mes voiles
   Un reflet d'argent.

   Du chalet magique,
   L'ombre féérique 
   S'étend sur les eaux !
   Et l'écho m'arrive
   D'un chant sur la rive
   Parmi les roseaux.

   Au miroir tranquille,
   La lune qui brille
   Trace clairs sillons
   Où passent les rondes
   Des sirènes blondes
   Et des fols rayons !...

                    Payse* (1922) 



Tiré de : Payse, D'azur, de lys, de flamme, Québec, Imprimerie de L'Action sociale, 1923, p. 33-35.

* « Payse » est le nom de plume de Gabrielle Saint-Pierre-Dugal, née à Matane le 15 juillet 1884, de Georges Saint-Pierre, marchand, et d'Alma Saint-Aubin. Après avoir étudié quelques années au couvent du Bon-Pasteur de Rivière-du-Loup, elle étudia au couvent des Ursulines de Québec, où elle obtint en 1902 un prix d'excellence en français et la médaille d'or du lieutenant-gouverneur. Elle acheva sa formation à l'université Mont-Saint-Vincent, à Halifax. Elle vécut ensuite à Rivière-du-Loup jusqu'à la fin de sa vie.
   Sous son nom de plume de « Payse », elle collabora aux pages littéraires de nombreux journaux et périodiques, dont notamment Le Devoir, La Patrie, La Revue moderne, Le Canada français, la Revue de l'Université Laval, Mon magazine et Le Saint-Laurent de Rivière-du-Loup. 
   Elle publia en 1923 un recueil de poésie, D'azur, de lys, de flamme. En 1928, elle obtint le premier prix du concours de poésie de la Société des poètes canadiens-français. En 1938, elle se vit attribuer pour ses poésies la médaille de bronze de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, en France.
   Gabrielle Saint-Pierre-Dugal est morte à Rivière-du-Loup le 19 septembre 1965.  Elle avait épousé Louis-Joseph Dugal, notaire, le 4 septembre 1906, à la paroisse Saint-Patrice de Rivière-du-Loup. 
   L'écrivaine et critique littéraire Suzanne Paradis a écrit : « Payse s'exprime en vers de toutes les mesures, avec une correction et une aisance remarquables, utilise un vocabulaire concis et limite sa prédication à un besoin très vif d'aimer et de répandre le bonheur ». 
(Sources : Marie-Paule Desjardins, Dictionnaire biographique des femmes célèbres et remarquables de notre histoire, Montréal, éditions Guérin, 2007, p. 436 ; Dictionnaire Guérin des poètes d'ici de 1606 à nos jours, Montréal, éditions Guérin, 2005, p. 1074 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 331 ; Ancestry.ca).


Le poème Sur le lac, ci-haut, est tiré du recueil
D'azur, de lys, de flamme, de Payse. Le recueil

est très difficle à trouver, même en librairie
d'occasion, mais on peut le consulter ou le
télécharger gratuitement ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans Le Soleil du 10 mars 1923, la journaliste Georgina Lefaivre
(qui écrivait sous les noms de plume de « Geneviève » et de
« Ginevra ») présenta le recueil de poésies de Payse.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Mention du recueil D'Azur, de lys, de flamme dans
le numéro d'avril 1923 de La Revue moderne.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le 9 février 1928, Le Saint-Laurent, journal de
Rivière-du-Loup dont Gabrielle Saint-Pierre-
Dugal était collaboratrice, soulignait l'obtention
 par celle-ci de la Lyre d'Or de la Société des
poètes canadiens-français.

(Source : Société d'histoire et de
généalogie de Rivière-du-Loup
;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le 16 février 1928, L'Écho du Saint-Maurice, de
Shawinigan, fit paraître cet article sur les lauréats
du concours de la Société des poètes canadiens-
français, dont Payse obtint la Lyre d'Or.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

L'obtention de la Lyre d'Or par Payse fut également soulignée
par la journaliste Georgina Lefaivre (Ginevra) dans Le Soleil
du 11 février 1928.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Payse fut présentée dans un dossier sur les poètes
et poétesses du Québec de l'époque paru dans

l'hebdomadaire L'Union des cantons de l'Est du 20
novembre 1930.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

L'obtention par Payse de la médaille de bronze
de la Société archéologique, scientifique et
littéraire de Béziers (France) a été soulignée
dans l'édition du 24 novembre 1938 du journal
Le Saint-Laurent de Rivière-du-Loup.

(Source : Société d'histoire et de
généalogie de Rivière-du-Loup
;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans son édition du 5 octobre 1938, Le Devoir
souligna également l'obtention par Payse de la
médaille de bronze de la Société archéologique,
scientifique et littéraire de Béziers (France).
« L'ouvrage en préparation » mentionné n'a 

jamais vu le jour.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Notice nécrologique parue dans L'Action
(Québec) le 24 septembre 1965. 

Vue de Rivière-du-Loup, à l'époque où Gabrielle Saint-Pierre-Dugal (Payse) y vivait
et était engagée dans la vie littéraire de cette municipalité du Bas-du-Fleuve.

(Source : Almanach de l'Action sociale catholique, 1940 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir) 


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jeudi 20 juin 2019

Les cloches de la basilique

Pierre funéraire d'Eudore Évanturel au cimetière Notre-Dame-
de-Belmont
, à Québec. Elle a été récemment rénovée grâce 

à deux professeurs du cégep François-Xavier Garneau.

Il n'existe pas de photo ou portrait connu d'Eudore Évanturel.

(Photo : Madeleine Gagnon, juin 2019)




   J'écoutais dans la paix du soir,
   Sous la pâleur du ciel mystique,
   Les sons pieux que laissaient choir
   Les cloches de la basilique.

   Et j'évoquais au loin leur voix,
   À la fois grave et triomphale,
   Quand elles sonnaient autrefois
   Les angélus de cathédrale,
  
   Au temps heureux, trois fois béni,
   Où, dès l'aube, souvent ma mère
   Me retrouvait au pied du lit,
   Agenouillé sous leur prière.

   Combien leur appel familier
   Charmait alors mon âme éprise,
   Lorsque j'allais, jeune écolier,
   M'asseoir à l'ombre de l'église, 

   Et que, captif de leur doux nom,
   J'attendais que leur voix se taise,
   Pour suivre au loin, à l'horizon,
   L'écho de leur chanson française !

   C'est qu'en ce temps déjà lointain,
   Cloches témoins de tant de choses, 
   Vous me parliez, soir et matin, 
   D'un long passé d'apothéoses,

   Et du regret que vous aviez
   D'un temps de gloire et de conquêtes,
   Quand, de par le Roy, vous sonniez
   Vos carillons des jours de fêtes,

   Et que gaiement, sur le rocher,
   Au printemps des jours d'espérance,
   Vous annonciez, du vieux clocher,
   Le retour des vaisseaux de France.

                Eudore Évanturel (date inconnue)



Tiré de : Jules Fournier, Anthologie des poètes canadiens, Montréal, 1920, p. 113. La même année, le poème est paru dans la revue Le Terroir. Eudore Évanturel est mort l'année précédente.

Pour en savoir plus sur Eudore Évanturel, voyez les informations et documents sous son poème quadriptyque Les Quatre Saisons, également présenté par les Poésies québécoises oubliées.


La basilique Notre-Dame-de-Québec telle qu'elle
 était à l'époque évoquée par Eudore Évanturel 
dans le poème ci-haut.

(Source : Michel Lessard, Québec éternelle, p. 189 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Eudore Évanturel a publié en 1877 un seul recueil, Premières poésies, qui
avait déclencé les foudres des bien-pensants les plus délirants de son
époque. En 2019, ses oeuvres poétiques ont été réunies dans une
nouvelle édition préparée par Guy Champagne, et on peut la trouver
dans toute bonne librairie. Pour information, cliquer ICI

Il n'existe pas de photo ou de portrait connu
d'Eudore Évanturel. Par contre, il y a ce portrait
de son épouse, Esther Casgrain.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)