Louis Dantin (1869-1945) (Source : Le coffret de Crusoé) |
Lorsque le soir s'abat sur ton sourcil géant
Et que, plus fantastique, au bord du flot béant,
Québec, ta grande ombre se penche,
Comme portée au vol de vents magiciens,
Vers toi furtivement l'âme des jours anciens
Accourt, mystérieuse et blanche.
Le jour est aux vivants, à ces fils nés d'hier
Et que demain appelle, et qui de leur pas fier
Foulent tes places et tes rues ;
Mais le passé frissonne et flotte dans la nuit ;
Et tu t'émeus à voir, dans ses ombres, sans bruit,
Glisser les gloires disparues.
Ils sont là, tous, tous les héros, tous les vainqueurs,
Tous les vaincus, tous les martyrs, tous les grands coeurs,
Marins, femmes, soldats ou prêtres ;
Et dans tes murs ayant leurs cendres pour ciment
Ils refont chaque nuit, mélancoliquement,
La procession des ancêtres.
Car il faut que leurs noms aillent aux siècles lointains,
Car il faut que leur race achève les destins
Dont ils la laissèrent gardienne :
Ô Québec ! si leur vision hante tes soirs,
C'est pour hausser ton âme et grandir tes espoirs,
C'est pour que Québec se souvienne.
Louis Dantin* (1932)
Tiré de : Louis Dantin, Le coffret de Crusoé, Montréal, Éditions Albert Lévesque, 1932, p. 23-24.
* Eugène Seers, dont le nom de plume est Louis Dantin, est né à Beauharnois le 28 novembre 1865, de Louis-Alexandre-Napoléon Seers, avocat, et d'Henriette-Éloïse Perrin. Enfant prodige, il ne fréquenta pas l'école primaire et débuta son cours classique dès l'âge de neuf ans au Collège de Montréal. En 1881, il entra au Séminaire de philosophie, mais il resta confiné chez lui, probablement pour raisons de santé, les deux années suivantes.
Il partit pour l'Europe en 1883, à l'âge de dix-huit ans, pour étudier la philosophie chez les Sulpiciens à Issy-les-Moulineaux. Peu après, suite à une retraite spirituelle en Belgique au cours de laquelle il vécut une expérience mystique, il entra au noviciat de la congrégation des Pères du Très-Saint-Sacrement. Il fut ordonné prêtre le 22 décembre 1888 en l'église Saint-Sulpice, à Paris.
En 1889, il devint assistant maître des novices de sa congrégation à Bruxelles, puis en 1890 il fut nommé supérieur de la maison de Bruxelles et maître des novices. En 1893, il prit les charges de supérieur de la maison de Paris et d'assistant général de la congrégation.
Ayant vécu une crise religieuse et une relation amoureuse avec une jeune fille de Bruxelles, il voulut quitter sa communauté, mais il y resta par égard pour ses parents. Il rentra à Montréal en 1894, mais se maintint à l'écart et travailla pour l'imprimerie de sa congrégation. Il participa à cette époque aux activités de l'École littéraire de Montréal, où il se lia d'amitié avec Émile Nelligan, dont il prépara le premier recueil de ses poésies, Émile Nelligan et son oeuvre (1903).
En 1903, il renonça à la prêtrise et s'établit aux États-Unis, accompagné de Clotilde Lacroix, dont il aura un fils né en février 1904. Installé à Cambridge (Massachusetts). Il exerça divers métiers, dont typographe et, de 1919 à sa retraite en 1938, correcteur d'épreuves à l'imprimerie de l'Université Harvard.
Durant ses années d'exil aux États-Unis, il collabora à plusieurs revues et journaux du Québec, dont La Revue moderne, L'Avenir du Nord, Le Canada et Le Jour.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont entre autres Poètes de l'Amérique française (1928) ; La vie en rêve (1930) ; Le mouvement littéraire dans les Cantons de l'Est (1930) ; Gloses critiques (1931) ; Le coffret de Crusoé (poésie, 1932) ; Poètes de l'Amérique française, deuxième série (1934) ; Contes de Noël (1936) ; Je me souviens (1937) ; Les enfances de Fanny (édition posthume, 1951, réédition 2017).
Atteint d'un début de cécité en 1943, il finit par perdre complètement la vue. En 1944, il fut opéré pour un cancer et mourut le 17 janvier 1945. Il est inhumé à Brighton (Massachusetts).
(Sources : Wikipedia ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 893).
Le poème Évocation, ci-haut, est tiré du recueil Le coffret de Crusoé, de Louis Dantin, que l'on peut télécharger gratuitement ICI. |
Dédicace manuscrite de Louis Dantin de son ouvrage Poètes de l'Amérique française (1928) adressée au poète Nérée Beauchemin, dont les Poésies québécoises oubliées ont aussi présenté Une sainte ; Le sapin de Noël ; France ; La bonne France et Une correspondance poétique. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dans le numéro d'octobre 1932 de La Revue moderne, Jean Bruchési signait cette recension du recueil de Louis Dantin, Le coffret de Crusoé. De Jean Bruchési, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté le poème Vieilles choses. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le coffret de Crusoé a été présenté dans le Courrier de Saint-Hyacinthe du 29 juillet 1932. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Louis Dantin, durant les dernières années de sa vie. (Source : Nuit Blanche) |
Louis Dantin (Source : Wikipedia) |
De son retour d'Europe, en 1894, jusqu'à ce qu'il quitte la prêtrise en 1903 et son départ aux États-Unis, Louis Dantin habita le Monastère du Très-Saint-Sacrement, dont l'édifice existe encore de nos jours et est voisin de la station de métro Mont-Royal, à Montréal. Le poète Émile Nelligan venait souvent l'y rejoindre. (Source : Patrimoine culturel du Québec) |
Article paru le 24 janvier 1945 dans La Tribune, de Sherbrooke, à l'occasion de la mort de Louis Dantin. (Source : BANQ : cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le Progrès du Golfe (Rimouski), 26 janvier 1945 (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
L'Avenir du Nord, 2 février 1945 (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
La correspondance entre Louis Dantin et Alfred DesRochers est une riche source d'informations qui fait découvrir le foisonnement de la vie littéraire québécoise de la première moité du XXe siècle. Pour informations, voyez ICI. |
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