vendredi 15 décembre 2017

Le travail de l'enfance

Joseph-Amédée Girouard (1865-1938)

(Source : Anthologie de la littérature

 franco- américaine de la Nouvelle-
Angleterre, tome 4)




   Les petits qui vont à l'usine
   Ont un sort bien avarié,
   Car le travail les assassine
   Et devant l'infâme machine,
   Comme ils font pitié !

   Leurs deux petites mains s'épuisent
   En rattachant là tous les jours 
   Les brins que les machines brisent ;
   Leurs petits pieds se paralysent
   À peiner toujours.

   Eux qui devaient courir ensemble
   Le long des grands bois parfumés
   Où la fraîcheur de l'ombre tremble ; 
   Le dur maître qui les rassemble
   Les tient enfermés. 

   Comme des oiseaux mis en cage,
   Nés pour l'air et la liberté,
   Perdent bientôt leur doux ramage,
   Ainsi ce petit monde à gage
   Passe sans gaieté. 

   Jamais ni le doux babillage,
   Ni les jeux et ni les plaisirs
   N'embelliront leur apanage ; 
   Ils ne connaîtront de leur âge
   Aucun des loisirs. 

   Puis dans cette ignoble fournaise,
   Où le grand nombre doit périr,
   Leur petite forme s'affaisse,
   Et bientôt tombant de faiblesse
   On les voit mourir. 

   Riches, à travers votre ivresse,
   Du haut de vos chars émouvants,
   Ne voyez-vous pas la tristesse
   Et la désolante faiblesse 
   De ces enfants ?

   Malgré votre pieux sourire,
   Où par des mots sous-entendus
   Tant de mépris pourrait se lire, 
   Ne les entendez-vous vous dire : 
   Nous sommes perdus. 

   Entendez-vous l'accent qu'ils mettent
   À crier leurs appels divers
   À vos cœurs durs qui les rejettent,
   Et la triste plainte qu'émettent
   Leurs tombeaux ouverts. 

               Joseph-Amédée Girouard (1909)



Tiré de : Richard Santerre, Anthologie de la littérature franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, tome 4, Bedford (New Hampshire), National Materials Development Center for French, 1980, p. 43-44.

Joseph-Amédée Girouard est né à Saint-Hyacinthe le 17 juillet 1865, de Joseph Girouard et d’Edwilge Daudelin. Après ses études classiques au Séminaire de Saint-Hyacinthe, il étudia la médecine à l’Université Laval, à Québec. 
Dès l’obtention de son diplôme de médecine, en 1889, il partit au Montana pour y pratiquer sa profession. Il vint par la suite s’établir dans le Maine, d’abord à Westbrook, où il ne resta que peu de temps, puis, en 1891, il s’établit à Lewiston où allait se dérouler le reste de sa carrière. 
Chirurgien et obstétricien à 1’Hôpital Sainte-Marie de Lewiston, dont fut l’un des fondateurs, il a vu naître plus de 8 000 enfants au cours de sa carrière. Homme d’une grande modestie, catholique fervent, on a dit qu’il était estimé de tous et connu pour sa générosité envers sa paroisse et les institutions franco-américaines qu’il sut encourager, autant par sa présence que par ses deniers. La musique le passionnait ; il était d’ailleurs bon pianiste.
Ses poèmes parurent d’abord dans le journal franco-américain Le Messager, de Lewinston, puis dans un recueil intitulé Au fil de la vie (1909). Ardent patriote canadien-français, il était également préoccupé par les conditions de vie et de travail de ses compatriotes canadiens-français de Nouvelle-Angleterre, qui travaillaient à longueur de journée dans des usines malsaines. Il composa notamment à leur intention La chanson des ouvrières. Il était particulièrement révulsé par le travail des enfants.
Joseph-Amédée Girouard est mort à Lewiston le 1er mars 1938.  Conformément à ses dernières volontés, il repose dans sa ville natale de Saint-Hyacinthe aux côtés de son épouse, Anne Burke, qu’il avait épousée à Saint-Hyacinthe le 27 octobre 1890 et qui est décédée en 1923.

(Sources : Dictionnaire des auteurs franco-américains de langue française, Assumption University, Worcester (Massachusetts) ; Richard Santerre, Anthologie de la littérature franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, tome 4, Bedford (New Hampshire), National Materials Development Center for French, 1980, p. 1 ; James Myall, « Poetry from de Lewiston Mills of 1909 », site web du Bangor Daily News (Maine), 7 septembre 2017 ; Dion-Lévesque, Rosaire. Silhouettes franco-américaines, Manchester (New Hampshire), Publications de l’Association canado-américaine, 1957, p. 372-373 ; Sœur Mary-Carmel Therriault, La littérature française de Nouvelle-Angleterre. Montréal et Québec : Fides, 1946, p. 210-211 ; Wikitree.com).

Pour en savoir plus sur Joseph-Amédée Girouard, cliquer ICI. 

Cliquer ICI pour prendre connaissance d'un article récent (septembre 2017) du Bangor Daily News (de Bangor, Maine) sur la poésie de Joseph-Amédée Girouard. 


Première rangée : jeunes garçons canadiens-français du Québec 
dans une usine de textile à Lewiston (Maine), vers 1920. 

(Source : Maine Memory Network
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Tome 4 de l'Anthologie de la littérature
franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre
,
d'où est tiré le poème Le travail de l'enfance,
de  J.-A. Girouard.


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